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CHEVAUX.

de variations héréditaires, comme nous le prouve la quantité de races répandues dans le monde, et dans un même pays, races dont le nombre a, à notre connaissance, considérablement augmenté depuis les temps historiques les plus anciens[1]. Hofacker[2] remarque, à propos du caractère si fugitif de la couleur, que sur deux cent seize cas d’unions de chevaux de même manteau, onze seulement ont donné des poulains d’une couleur tout à fait différente de celle des parents. Le professeur Lowe[3] signale le cheval de course anglais comme fournissant la meilleure démonstration possible de l’hérédité. La généalogie d’un cheval de course est plus importante pour l’appréciation de ses succès probables que son apparence. King Herod a gagné en prix une valeur de 201,505 livres sterling (fr. 5,037,625) et a engendré 497 chevaux gagnants ; Éclipse en a produit 334.

Il est douteux que la somme des différences existant actuellement entre les diverses races soit entièrement due à la variation. La fertilité des croisements entre les individus des races les plus distinctes[4], les a fait regarder par la généralité des naturalistes comme descendant toutes d’une seule espèce. Peu partageront l’opinion du colonel H. Smith, qui ne leur attribue pas moins de cinq souches primitives et diversement colorées[5]. Mais comme il a existé à la fin de l’époque tertiaire plusieurs espèces et variétés de chevaux[6], et que Rütimeyer a constaté des différences dans la forme et la grandeur du crâne des chevaux domestiques[7] les plus anciennement connus, nous ne pouvons plus être aussi sûrs que toutes nos races soient provenues d’une seule espèce. Nous voyons les sauvages de l’Amérique du Nord et du Sud dompter facilement les chevaux redevenus sauvages dans leurs pays, il n’y a donc aucune improbabilité à ce que les hommes aient pu autrefois, dans dif-

  1. Godron, De l’Espèce, t. I, p. 378.
  2. Ueber die Eigenschaften, etc. 1828, p. 10.
  3. Domesticated Animals of the British Islands, p. 527, 532. — Dans tous les ouvrages vétérinaires que j’ai lus, les auteurs insistent fortement sur l’hérédité chez le cheval de toutes les tendances et qualités bonnes et mauvaises. Le principe d’hérédité n’est peut-être pas plus fort chez le cheval que chez les autres animaux, mais on l’a observé avec beaucoup plus de soin et d’attention, à cause de la plus grande valeur de l’animal.
  4. Andrew Knight a croisé ensemble deux races aussi différentes que le cheval de camion et le poney norwégien ; voir Walker, Intermarriage, 1838, p. 205.
  5. Nat. Library. Horses, t. xii, p. 208.
  6. Gervais, O. C. t II, p. 143. — Owen, British fossil Mammals, p. 383.
  7. Kenntniss der fossilen Pferde, 1863, p. 131.