Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
ACTIONS MODIFICATRICES.

dépendre du succès de sa chasse sur la neige ramollie, lequel dépendra aussi de la largeur de ses pattes ; il ne faudrait cependant pas que cette largeur fût assez grande pour gêner les mouvements de l’animal sur un sol gluant, l’empêcher de fouir, ou contrarier ses habitudes.

Les modifications dans les races domestiques s’opérant trop lentement pour être appréciables dans un temps limité, qu’elles soient dues à une sélection de variations individuelles ou à des croisements, ont une telle importance pour faire comprendre l’origine de nos productions domestiques, et jettent indirectement une telle lumière sur les changements qui ont pu s’opérer dans l’état de nature, que je tiens à donner avec détails les exemples que j’ai pu recueillir. Lawrence[1] qui a voué une attention toute particulière à l’histoire du chien employé à la chasse du renard, écrivait en 1829, qu’environ quatre-vingts à quatre-vingt-dix ans auparavant, l’art de l’éleveur avait créé pour cette chasse un chien tout nouveau, en réduisant les oreilles de l’ancien type, allégeant ses os et sa masse, allongeant son corps et élevant un peu sa taille. On croit que cela fut obtenu par un croisement avec le lévrier. Relativement à ce dernier, Youatt[2] prétend que, depuis une cinquantaine d’années, soit un peu avant le commencement du siècle, le lévrier a pris un caractère un peu différent de celui qu’il avait auparavant. Il est actuellement remarquable par une symétrie et une beauté de formes, dont il ne pouvait pas se vanter autrefois ; il est devenu aussi beaucoup plus rapide. On ne l’emploie plus pour attaquer le cerf, mais c’est entre lui et ses compagnons une lutte de vitesse pendant une course rapide mais courte. Un auteur compétent[3] croit que les lévriers anglais sont les descendants, progressivement améliorés, des grands lévriers à poils rudes qui existaient en Écosse déjà au iiie siècle. On a supposé un croisement ancien avec le lévrier d’Italie, mais le peu de vigueur de cette race rend cette supposition peu probable. On sait que lord Orford, croisa ses fameux lévriers, qui manquaient de courage, avec un bouledogue, — race qui fut

  1. The Horse in all his varieties, 1829, p. 230, 234.
  2. The Dog, 1845, p. 31, 35 ; pour l’épagneul King-Charles, p. 45. — Pour le chien-d’arrêt p. 90.
  3. Encycl. of rural Sports, p. 557.