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CHIENS.

sion que peuvent développer les mollusques devient considérable.

On a déjà remarqué que les chiens offrent des différences quant au degré de palmure de leurs pattes. Chez les terre-neuve, qui ont des mœurs éminemment aquatiques, la peau, d’après I. Geoffroy Saint-Hilaire[1], s’étend jusqu’à la troisième phalange, tandis que chez les chiens ordinaires, elle ne dépasse pas la seconde. Sur deux terre-neuve que j’ai examinés, les doigts écartés et vus en dessous, la peau s’étendait en droite ligne jusqu’au bord extérieur des pelottes digitales ; chez deux terriers de sous-races distinctes, la membrane interdigitale, vue de la même manière, se montrait profondément échancrée. Au Canada on trouve assez communément un chien particulier à ce pays, qui a les pattes à demi palmées et aime l’eau[2]. Les chiens-loutres anglais ont, dit-on, les pattes palmées ; un ami ayant examiné pour moi les pattes de deux de ces chiens, en les comparant à celles de lévriers et de limiers, a trouvé l’étendue de la palmure variable, mais plus développée chez le chien-loutre que chez les autres[3]. Comme les animaux aquatiques appartenant aux ordres les plus divers ont les pattes palmées, il n’y a pas de doute que cette conformation ne soit utile aux chiens qui vont à l’eau. Sans admettre que l’homme ait jamais choisi ses chiens aquatiques d’après l’étendue de la palmure de leurs pattes, il n’en a pas moins, en conservant et en faisant reproduire les individus qui chassaient le mieux dans l’eau, qui rapportaient le mieux le gibier blessé, choisi ainsi et à son insu, les chiens dont les pattes étaient probablement les mieux palmées. C’est ainsi que l’homme imite la sélection naturelle. Nous trouvons dans l’Amérique du Nord une excellente démonstration de cette marche ; là, d’après Richardson[4], tous les loups, renards et chiens domestiques indigènes ont les pattes plus larges que les espèces correspondantes de l’ancien monde, et parfaitement adaptées pour la marche sur la neige. Dans ces régions arctiques, la vie ou la mort de l’animal pourra

  1. Hist. nat. gén, III, p. 450.
  2. M. Greenhow sur le chien canadien, London Mag. of Nat. Hist., 1833, vol. VI, page 511.
  3. Voir M. C. O. Groom-Napier sur la palmure des pattes postérieures du chien-loutre, Land and Water, oct. 13, 1866, p. 270.
  4. Fauna Bor. Americana, 1829, p. 62.