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CHIENS.

La doctrine de la provenance des chiens domestiques de plusieurs souches sauvages soulève une autre difficulté, c’est qu’ils ne paraissent pas être parfaitement féconds avec leurs parents supposés. Mais l’expérience n’a pas été essayée dans ses vraies conditions ; ainsi il faudrait tenter le croisement du chien hongrois, qui ressemble si considérablement au loup d’Europe, avec ce dernier animal ; de même celui du chien pariah avec le loup et le chacal indiens. De ce que les sauvages prennent la peine de croiser leurs chiens avec le loup et d’autres espèces canines, on peut inférer que la stérilité est du moins très-faible. Buffon a obtenu quatre générations successives du loup et du chien, et les métis étaient parfaitement fertiles entre eux[1]. Plus récemment, M. Flourens a donné comme résultat positif d’expériences nombreuses, que les métis de chien et loup, croisés entre eux, deviennent stériles à la troisième génération, et ceux du chien et du chacal à la quatrième[2]. Mais ces animaux étaient en captivité, circonstance qui, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant, diminue beaucoup la fécondité des animaux sauvages et les rend même tout à fait stériles. Le dingo, qui se croise librement avec nos chiens importés en Australie, n’a donné aucun résultat dans les essais réitérés de croisement tentés au jardin des plantes[3]. Quelques chiens courants de l’Afrique centrale importés par le major Denham n’ont jamais reproduit à la Tour de Londres[4], et les produits métis d’une espèce sauvage peuvent offrir la même diminution dans leur fécondité. D’ailleurs, dans les essais de M. Flourens, les métis furent, à ce qu’il paraît, croisés entre eux pendant trois ou quatre générations ; mais, quoique cette circonstance ait dû certainement augmenter la tendance à la stérilité, elle ne suffirait pas, jointe à la captivité, pour

  1. M. Broca (Journal de Physiologie, t. II, p. 353) a montré que les expériences de Buffon ont été souvent dénaturées. Broca a recueilli grand nombre de faits sur la fécondité de métis de chiens, loups et chacals.
  2. De la Longévité humaine, 1855, p. 143, par Flourens. — M. Blyth (dans Indian sporting Review, vol. II, p. 137) a vu plusieurs métis de chiens pariahs et de chacal, et le produit d’un de ces métis et d’un terrier. On connaît les expériences de Hunter sur le chacal. Voir aussi I. Geoff. St-Hilaire (Hist. nat. gén., III, p. 217), qui parle des métis de chacal comme féconds pendant trois générations.
  3. D’après F. Cuvier, cité par Brown, Geschichte der Natur, v. II, p. 164.
  4. W. C. L. Martin, History of the Dog, 1845, p. 203. — M. P. King, après bien des observations, m’assure que le dingo et les chiens d’Europe se croisent souvent en Australie.