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LEUR ORIGINE.

des yeux, et réduite enfin à une petite tache au-dessus de l’angle interne de l’œil. Les taches s’observent dans plusieurs sous-races de terriers et d’épagneuls ; dans les chiens de chasse de diverses races, y compris le basset à jambes torses ; dans les chiens de berger ; dans un métis dont les parents n’avaient ni l’un ni l’autre de taches ; dans un boule-dogue pur, dont les taches étaient presque blanches ; et dans les lévriers. Les lévriers vraiment noir et feu sont excessivement rares ; M. Warwick m’en a cependant indiqué un qui a couru en avril 1860, et était marqué exactement comme un terrier noir et feu. Sur ma demande M. Swinhoe a examiné les chiens en Chine, à Amoy, et il remarqua bientôt un chien brun, avec les taches sus-orbitaires jaunes. Le colonel Smith[1] a figuré un superbe dogue noir du Thibet, marqué d’une raie de feu au-dessus de l’œil, sur les pieds et la mâchoire ; et ce qui est plus singulier, il figure l’Alco, ou chien domestique du Mexique, comme blanc et noir, avec des anneaux étroits couleur feu, autour des yeux. À l’exposition de chiens qui a eu lieu à Londres en 1863, on montra un chien du nord-ouest du Mexique, ayant au-dessus des yeux des taches de feu pâles. Cette coïncidence de ces taches couleur feu chez des races aussi diverses, et vivant dans tous les pays du monde, constitue un fait assez remarquable.

Nous verrons plus loin, surtout à propos des pigeons, que les marques colorées sont fortement héréditaires, et nous aident puissamment à retrouver les formes primitives de nos races domestiques. Aussi, si une espèce canine sauvage nous eût offert d’une façon bien distincte les taches de feu sus-orbitaires, nous eussions été autorisés à la considérer comme la forme primitive et l’ancêtre de presque toutes nos races domestiques. J’ai examiné bien des dessins coloriés, fouillé toute la collection des peaux du British Museum, sans trouver aucune espèce ainsi marquée. Il est infiniment probable que cette couleur a dû exister sur quelque espèce éteinte. D’autre part, en examinant les diverses espèces, il semble y avoir une corrélation assez nette entre les pattes couleur feu et la face, mais moins fréquemment entre les pattes noires et la face noire, et cette règle générale de coloration explique, jusqu’à un certain point, les cas ci-dessus de corrélation entre les taches sus-orbitaires et les pattes. Quelques chacals et renards offrent la trace d’un anneau blanc autour des yeux, ainsi le C. mesomelas, le C. aureus, et d’après les dessins du col. Ham. Smith, aussi le C. alopex et le C. thaleb. D’autres espèces montrent la trace d’une ligne noire au-dessus du coin de l’œil, ainsi les C. variegatus, cinereo-variegatus, fulvus, et le Dingo sauvage. Je serais donc disposé à conclure que la tendance qu’ont les taches de feu d’apparaître au-dessus de l’œil, dans les différentes races de chiens, est analogue à la règle établie par Desmarest, que toutes les fois que le blanc paraît dans un chien, le bout de la queue est toujours blanc, et rappelle la tache terminale de même couleur qui caractérise la plupart des canidés sauvages[2].

  1. Nat. Library. — Dogs, vol, X, p. 4, 19.
  2. Cité par P. Gervais, Hist. nat. Mamm., t. II, p. 66. (Cette règle souffre des exceptions. Je possède actuellement une chienne noire à poitrail et pattes tachetées de blanc, dont le bout de la queue est complètement noir. C. V.)