Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
LEUR ORIGINE.

gents, gais et caressants qu’aucun chien du même âge. Ainsi que nous l’avons déjà montré, il n’y a que peu de différence entre les mœurs des chiens domestiques des Indiens de l’Amérique du Nord et celles des loups du pays, de même qu’entre les chiens pariahs de l’Inde et les chacals, ou entre les chiens redevenus sauvages et les espèces naturelles de la famille. L’habitude d’aboyer, qui est presque universelle chez les chiens domestiques, et ne caractérise aucune des espèces naturelles du genre, paraît être une exception ; mais cette habitude est vite perdue et vite réacquise. On a souvent cité le cas de chiens devenus sauvages et muets dans l’île de Juan Fernandez, et on a des raisons pour croire[1] que ce mutisme a dû se produire dans un espace de trente-trois ans ; d’autre part des chiens enlevés de cette île, par Ulloa, ont repris peu à peu l’habitude d’aboyer. Les chiens de la rivière Mackenzie, appartenant au type du C. latrans et amenés en Angleterre, ne sont jamais arrivés à l’aboiement proprement dit, mais un individu né au jardin zoologique[2], donnait de la voix aussi fortement qu’aucun autre chien de sa taille et de son âge. D’après le professeur Nillson[3], un louveteau allaité par une chienne sait aboyer. I. Geoffroy Saint-Hilaire a montré un chacal aboyant sur le même ton qu’un chien ordinaire[4]. M. G. Clarke[5] dit, à propos de chiens redevenus sauvages dans l’île de Juan de Nova, dans l’océan Indien, qu’ils avaient complètement perdu l’habitude d’aboyer, ne recherchaient pas la société des autres chiens et n’acquirent aucune voix après une captivité de plusieurs mois. Dans l’île, ils se rassemblent en grandes meutes et attrapent les oiseaux avec autant d’adresse que des renards. Les chiens redevenus sauvages, à la Plata, ne sont pas muets ; ils sont grands, chassent isolés ou en meutes, et se creusent des terriers pour leurs jeunes[6], points par lesquels ils ressemblent aux loups et aux chacals, qui aussi chassent isolés

  1. Roulin, Mémoires présent. par div. savants, t. VI, p. 341.
  2. Martin, History of the Dog, p. 14.
  3. Cité par Lloyd dans Fieldsports of North of Europe, v. I, p. 387.
  4. Quatrefages, Soc. Acclimat., mai 11, 1863, p. 7.
  5. Ann. and Mag. Nat. Hist., v. XV, 1845, p. 140.
  6. Azara, Voy. dans l’Amér. mérid., t. I, p. 381. — Son récit est complètement confirmé par Rengger. — Quatrefages cite le cas d’une chienne amenée de Jérusalem en France, qui creusa un trou et y fit ses petits. Voir Discours à l’exposition des races canines 1865, p. 3.