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MODES ANORMAUX.

forme maternelle, mélangées d’autres conservant leur état intermédiaire. Un hybride entre le Cereus speciosissimus et le C. phyllanthus[1], plantes qui diffèrent beaucoup par leur apparence, a donné pendant ses trois premières années des tiges anguleuses et pentagonales, puis ensuite des tiges plates comme celles du C. phyllanthus. Kölreuter cite aussi des cas de Lobelias et de Verbascums qui ont produit d’abord des fleurs d’une couleur, puis plus tard dans la saison d’autres de couleur différente[2]. Naudin[3] a obtenu du Datura lævis fécondé par le D. stramonium, quarante hybrides ; dont trois produisirent des capsules, ayant une moitié ou un quart ou un segment moindre, lisse et plus petit, comme la capsule du D. lævis, le reste de la capsule étant épineux et plus grand, comme dans le D. stramonium ; on a obtenu de ces capsules composées des plantes ressemblant parfaitement aux deux formes parentes.

Passons aux variétés. Un pommier provenant de graine, et qu’on croit être d’origine croisée, a été décrit en France[4] comme portant des fruits ayant un côté plus grand que l’autre, rouge, à goût acide, et odeur spéciale, le petit étant d’un jaune verdâtre et très-doux, il paraît ne renfermer que rarement de la graine complètement développée. Je pense que ce n’est pas le même arbre que Gaudichaud[5] a montré à l’institut de France, portant sur la même branche deux espèces distinctes de pommes, dont l’une était une reinette rouge, l’autre une reinette canada jaunâtre.

Cette variété à double fruit peut être propagée par greffe, et continue à produire les deux sortes de pommes ; son origine est inconnue. Le Rév. J. D. La Touche m’a envoyé un dessin colorié d’une pomme du Canada, dont la moitié correspondante au calice et à l’insertion du pédoncule, est verte, tandis que l’autre est brune et de la nature de la pomme grise ; les deux moitiés étant très-nettement limitées par une ligne de séparation très-apparente. L’arbre avait été greffé, et M. La Touche croit que la branche qui portait cette pomme curieuse, partait du point de jonction de la greffe et de la souche ; si ce point eût été vérifié, le cas aurait probablement dû rentrer dans celui des métis par greffe que nous allons donner. La branche peut aussi avoir poussé sur la souche, qui était sans doute levée de semis.

Le professeur Lecoq[6], qui a entrepris un grand nombre de croisements sur les diverses variétés colorées de Mirabilis Jalapa, a observé que, dans les plantes levées de graine, les couleurs se combinent rarement, mais forment des bandes distinctes, ou se partagent par moitié sur les fleurs. Quelques variétés portent régulièrement des fleurs striées de jaune, de blanc, et de rouge, mais des plantes de ces variétés produisent parfois sur mêmes racines, des branches à fleurs uniformément colorées de ces trois teintes, d’autres dont les fleurs sont à deux couleurs, d’autres enfin

  1. Gärtner, Bastarderzeugung, p. 550.
  2. Journ. de Physique, t. XXIII, 1783, p. 100. — Act. Acad. Saint-Pétersbourg, 1781, t. I, p. 249.
  3. Nouvelles Archives du Muséum, t. I, p. 49.
  4. L’Hermès, janv. 14, 1837, cité dans Loudon’s Gard. Mag., vol. XIII, p. 230.
  5. Comptes rendus, t. xxxiv, 1852, p. 746.
  6. Geog. Bot. de l’Europe, t. III, 1854, p. 405. — De la Fécondation, 1862, p. 302.