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MODES ANORMAUX

Nous avons d’autre part un récit très-clair de M. Adam, qui a élevé la plante[1], et qui montre qu’elle n’est pas un hybride ordinaire. M. Adam avait, de la manière habituelle, enté sur un C. laburnum, un écusson de l’écorce du C. purpureus ; le bourgeon resta dormant pendant une année, comme cela arrive souvent ; il poussa ensuite plusieurs bourgeons et des jets, dont l’un plus droit, plus vigoureux et à feuilles plus grandes que le C. purpureus, fut propagé. Il faut noter que M. Adam vendit ces plantes avant leur floraison, comme une variété du C. purpureus, et le récit en fut publié par M. Poiteau après la floraison, mais avant qu’elles eussent manifesté leur tendance remarquable à revenir aux formes mères. Il n’y a donc là aucun motif de falsification supposable, et il semble difficile qu’il ait pu y avoir matière à erreur. Si nous acceptons la vérité du récit de M. Adam, il nous faut admettre le fait extraordinaire que deux espèces peuvent se réunir par leur tissu cellulaire, et produire ultérieurement une plante portant des feuilles et des fleurs stériles, intermédiaires entre la greffe et le sujet, et des bourgeons susceptibles de retour ; en un mot ressemblant par tous les points importants, à un hybride formé comme à l’ordinaire par reproduction séminale. Ces plantes, si elles se forment réellement de cette manière, pourraient être nommées des métis par greffe.

Je donnerai maintenant tous les faits que j’ai pu recueillir propres à éclairer les théories avancées ci-dessus, non-seulement pour élucider l’origine du C. Adami, mais pour montrer par combien de moyens extraordinaires et complexes une plante peut en affecter une autre. La supposition que les C. laburnum ou purpureus aient l’un ou l’autre produit par variation de bourgeons la forme intermédiaire, peut, comme nous l’avons vu, être immédiatement écartée, par le manque de preuves, par la stérilité de la forme nouvelle, et par les grands changements qu’elle a éprouvés. Cependant des cas comme la brusque apparition de pêches lisses sur des pêchers proprement dits, et de fruits participant à la fois des deux formes, — l’apparition de roses mousseuses sur d’autres rosiers, avec des fleurs divisées en deux, ou rayées de diverses couleurs, — et d’autres cas semblables, sont, quant au résultat, produit, sinon par leur origine, très-analogues à celui du C. Adami.

M. G. H. Thwaites[2], botaniste distingué, a rapporté un cas remarquable d’une graine du Fuchsia coccinea, fécondé par le F. fulgens, qui contenait deux embryons, et constituait ainsi un véritable jumeau végétal. Les deux plantes qui provinrent de ces deux embryons furent fort différentes par leurs caractères et leur aspect, quoique ressemblant à d’autres hybrides de même origine produits en même temps. Ces plantes jumelles étaient adhérentes au-dessous des deux paires de cotylédons, et formaient là une tige unique, cylindrique, de façon à ressembler plus tard à deux branches sortant d’un même tronc. Si les deux réunies avaient pu croître

    de bonnes graines, mais d’autres en renfermaient une ou deux, et une seule en avait trois. Quelques graines ont germé.

  1. Annales de la Soc. d’Hort. de Paris, t. VII, 1830, p. 93.
  2. Ann. et Mag. of Nat. Hist., mars 1848.