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MODES ANORMAUX DE VARIATION.

reurs, greffés sur la variété commune, ne deviennent tout à fait pendants que lorsqu’ils sont vieux ; je donnerai plus tard par contre l’exemple de quelques frênes pleureurs, qui ont peu à peu et lentement, acquis un port relevé. On peut comparer ces changements résultant de l’âge à ceux dont nous avons parlé dans le précédent chapitre, et qui ont lieu naturellement dans certains arbres, comme le cèdre du Liban et le Deodora qui, dissemblables dans leur jeunesse, se ressemblent à un âge plus avancé ; et aussi dans quelques chênes, et certaines variétés de tilleul et d’épine[1].


Avant de résumer les variations par bourgeons, je veux discuter quelques cas singuliers et anormaux, qui tiennent de plus ou moins près au même sujet. Je commencerai par le cas du fameux Cytisus Adami, forme métis ou intermédiaire entre deux espèces fort distinctes, les C. laburnum et purpureus.


Dans toute l’Europe dans des sols et sous des climats divers, cet arbre a souvent et subitement fait retour par ses feuilles et ses fleurs vers ses deux formes parentes. C’est en effet assez surprenant de voir, mélangées sur le même arbre, des touffes de fleurs rouge foncé, jaunes, et pourpres, portées sur des branches ayant des feuilles et un facies fort différents. La même grappe renferme quelquefois deux sortes de fleurs, et j’ai eu occasion de voir une fleur dont un côté était d’un jaune vif, et l’autre pourpre, de sorte que l’étendard était partagé en deux zones inégales, dont la plus grande était jaune et l’autre pourpre. La corolle était tout entière jaune dans une autre fleur, et la moitié du calice était pourpre ; dans une troisième, un des pétales de l’aile était d’un rouge sombre traversé d’une raie étroite et d’un jaune vif ; et enfin dans une dernière, une des étamines devenue un peu foliacée, était moitié jaune et moitié pourpre, ce qui montre que la tendance au retour peut affecter des organes isolés, et même des parties d’organes[2]. Cet arbre présente la particularité remarquable que, dans son état intermédiaire, même lorsqu’il croît dans le voisinage de ses deux espèces parentes, il est complètement stérile, tandis que quand ses fleurs sont ou d’un jaune ou d’un pourpre pur, elles donnent des graines, et les siliques provenant des fleurs jaunes en produisent beaucoup. Deux plantes levées de cette graine par M. Herbert[3] ont présenté une teinte pourpre sur les pédoncules des fleurs ; mais j’en ai obtenu moi-même qui ressemblaient exactement à l’espèce ordinaire (C. laburnum), à l’exception des grappes qui étaient plus longues, et qui furent tout à fait fertiles. Il est étonnant qu’une telle fécondité et une telle pureté de caractères aient pu être si promptement réacquises dans des plantes provenant d’une forme hybride et stérile. Les branches à fleurs pourpres paraissaient d’abord exactement

  1. Alph. de Candolle, Bibl. Univ. Genève, nov. 1862 pour le chêne ; — et Loudon’s Garden Magazine, vol. XI, 1835, p. 503, pour le tilleul, etc.
  2. Braun, Rejuvenescence dans Ray Soc. Bot. Mem., 1853, p. 320 ; — et Gardener’s Chronicle, 1842, p. 397.
  3. Journ. of Hort. Soc., vol. II, 1847, p. 100.