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VARIATIONS PAR BOURGEONS.

seuse blanche âgée de six ans, qui poussa plusieurs rejetons, dont l’un, épineux, produisit des fleurs rouges, dépourvues de mousse, et semblables à la rose de Provence (R. centifolia) ; un autre rejeton produisit des fleurs des deux sortes, plus quelques autres rayées longitudinalement. Cette rose mousseuse ayant été greffée sur un rosier de Provence, le professeur Caspary attribue ces changements à une influence de la souche ; mais tant d’après les faits précédents que d’après d’autres que nous donnerons par la suite, ils sont suffisamment expliqués par la variation par bourgeons, avec retour.

On pourrait ajouter encore bien des cas de roses variant par bourgeons. La rose blanche de Provence est née de cette manière[1]. On a vu la rose Belladone[2] double, si richement colorée, donner naissance par rejetons à des roses blanches demi-doubles, ou même presque simples, tandis que des drageons de ces roses blanches demi-doubles sont revenus au véritable type des Belladones. Des variétés de la rose de Chine qu’on propage par boutures à Saint-Domingue, font retour, après un an ou deux, à l’ancienne rose de Chine[3]. On a enregistré beaucoup de cas de roses devenant soudainement rayées, ou changeant partiellement de couleur ; ainsi quelques plantes de la « Comtesse de Chabrillant », qui est normalement rose, exposées en 1862[4], présentaient des taches écarlates sur un fond rose. J’ai vu la « Beauty of Billiard » avec un quart ou la moitié de la fleur blanche. La ronce autrichienne (R. lutea[5]), produit fréquemment des branches portant des fleurs d’un jaune pur ; et le professeur Henslow a eu l’occasion d’en voir une fleur dont la moitié était jaune ; j’ai moi-même vu un pétale unique rayé de lignes jaunes très-étroites sur un fond cuivré ordinaire.

Les cas suivants sont très-remarquables. M. Rivers possédait une rose française nouvelle à tiges lisses et délicates, à feuilles d’un vert glauque pâle, et à fleurs demi-doubles de couleur chair pâle striées de rouge foncé ; à plusieurs reprises il vit apparaître sur les branches de ce rosier, et subitement, une ancienne rose célèbre connue sous le nom de la « Baronne Prevost, » à rameaux épineux et forts, et à fleurs doubles très-grandes, et d’une couleur riche et uniforme ; dans ce cas donc, les tiges, feuilles, et fleurs ont toutes à la fois changé de caractères par variation de bourgeons. D’après M. Verlot[6], la variété Rosa cannabifolia dont les folioles ont une forme particulière, et qui diffère du reste de tous les autres membres de la famille, en ce que chez elle ses feuilles sont opposées au lieu d’être alternes, a apparu subitement dans le jardin du Luxembourg, sur une plante de R. alba. Enfin M. H. Curtis[7] ayant greffé un rejeton de l’ancienne « Aimée Vibert Noisette, » sur la variété « Celine, » obtint une Aimée Vibert grimpante, qui fut ensuite propagée.

  1. Gardener’s Chronicle, 1852, p. 759.
  2. Transact. Hort. Soc., vol. II, p. 242.
  3. Sir R. Schomburgk, Proc. Linn. Soc. Bot., vol. II, p. 132.
  4. Gard. Chronicle, 1862, p. 619.
  5. Hopkirk, Flora anomala, p. 167.
  6. Sur la production et la fixation des variétés, 1865, p. 4.
  7. Journal of Horticulture, 1865, p. 233.