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ARBRES.

sur chaque rameau des feuilles de deux formes, la particularité s’est conservée sur plusieurs plantes levées de graine[1]. Un cas encore de variation remarquable du feuillage est celui de deux sous-variétés du frêne, dont les feuilles sont simples au lieu d’être pennées, et qui transmettent généralement ce caractère par graine[2]. L’apparition de variétés pleureuses ou fastigiées, de feuilles profondément découpées, panachées, rouges, etc., sur des arbres appartenant à des ordres très-différents, prouve que de pareilles modifications dans la structure doivent être le résultat de lois physiologiques très-générales.

De bons observateurs ont été conduits à considérer comme des espèces distinctes, sur des différences pas plus considérables que celles qui précèdent, plusieurs formes que nous savons aujourd’hui n’être que de simples variétés. Un platane cultivé depuis longtemps en Angleterre a été regardé généralement comme une espèce américaine ; on s’est actuellement assuré, par d’anciens documents, à ce que m’apprend le Dr Hooker, que ce n’est qu’une variété. De même de bons observateurs, tels que Lambert, Wallich et d’autres, ont établi la spécificité du Thuya pendula ou filiformis ; mais on sait maintenant que les plantes primitives, au nombre de cinq, ont surgi brusquement au milieu d’un semis de T. orientalis, dans la pépinière de M. Loddige ; et le Dr Hooker a apporté la preuve qu’à Turin des graines du T. pendula ont reproduit la forme primitive, le T. orientalis[3].

On a souvent remarqué avec quelle régularité certains arbres prennent ou perdent individuellement leurs feuilles plus tôt ou plus tard que d’autres de la même espèce. C’est le cas du marronnier des Tuileries, célèbre par la précocité de sa floraison ; il y a aussi près d’Édimbourg un chêne qui conserve ses feuilles très-tard dans l’arrière-saison. Quelques auteurs ont attribué ces différences à la nature du sol dans lequel ces arbres sont plantés ; mais l’archevêque Whately, ayant greffé une épine précoce sur une tardive, et vice versâ, les deux greffes conservèrent leurs périodes respectives, qui différaient d’une quinzaine de jours, comme si elles croissaient encore sur leurs propres souches[4]. Une variété de l’ormeau provenant de Cornouailles est presque toujours verte, et ses rejets sont si délicats qu’ils périssent souvent par le gel ; parmi les variétés du chêne Cerris (Q. cerris), on peut distinguer des formes à feuillage caduc, et d’autres chez lesquelles il est presque toujours, ou toujours vert[5].

Pin d’Écosse (Pinus sylvestris). — Je mentionne cet arbre comme jetant quelque jour sur la question de la plus grande variabilité qu’offrent des arbres disséminés un peu partout, comparés à ceux qui se trouvent plus strictement dans leurs conditions naturelles. Un auteur[6] bien

  1. Gardener’s Chronicle, 1841, p. 687.
  2. Godron, O. C., t. II, p. 89. — Loudon’s Gardener’s Mag., vol. XII, 1836, p. 371, décrit un frêne touffu et à feuilles panachées simples, qui provenait d’Irlande.
  3. Gardener’s Chronicle, 1861, p. 575.
  4. Cité dans Gard. Chron., 1841, p. 767.
  5. Loudon’s Arboretum, etc., pour l’ormeau, t. III, p. 1376 ; — pour le chêne, p. 1846.
  6. Gardener’s Chronicle, 1849, p. 822.