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FRUITS.

saillie des deux tiers de leur longueur, au dehors du réceptacle, qui se trouve réduit ainsi à une sorte de plate-forme ; mais cette structure remarquable, qui ne se trouve que dans quelques variétés, passe par des gradations qui reviennent à la forme commune, où les carpelles sont presque entièrement enveloppés dans le réceptacle. Dans le C. moschata, l’ovaire (p. 50) varie beaucoup de forme, et peut être ovale, presque sphérique, cylindrique, plus ou moins renflé à sa partie supérieure, ou étranglé au milieu, droit ou recourbé. La structure intérieure de l’ovaire ne diffère pas de celle des C. maxima et pepo, lorsqu’il est court et ovale ; mais, quand il est allongé, les carpelles n’en occupent que la partie renflée et terminale. Dans une variété du concombre, (Cucumis sativus), le fruit contient régulièrement cinq carpelles au lieu de trois[1]. Je crois qu’on ne pourra contester que ce ne soient là des cas de variabilité considérable dans des organes d’une haute importance physiologique, et appartenant à des plantes occupant dans la classification un rang élevé.

Sageret[2] et Naudin ont constaté que le concombre (C. sativus) ne se croise avec aucune autre espèce du genre ; il n’y a donc pas à douter qu’il ne soit spécifiquement distinct du melon. Cette assertion peut paraître superflue, mais Naudin[3] nous apprend qu’il existe une race de melons dont le fruit, tant extérieurement qu’intérieurement, est si semblable à celui du concombre, qu’il est presque impossible de les distinguer autrement que par les feuilles. Les variétés du melon paraissent être infinies, car Naudin n’a pu en six années d’étude en venir à bout ; il les divise en dix sections, comprenant d’innombrables sous-variétés, qui s’entre-croisent toutes avec la plus grande facilité[4]. Les botanistes ont fait trente espèces distinctes des formes regardées par Naudin comme des variétés, et n’avaient aucune connaissance de la foule de formes nouvelles qui ont apparu depuis. L’établissement de tant d’espèces n’a rien d’étonnant, si on considère combien toutes ces formes transmettent rigoureusement leurs caractères par graines, et diffèrent entre elles par leur apparence : « Mira est quidem foliorum et habitus diversitas, sed multo magis fructuum, » dit Naudin. Le fruit étant la partie recherchée est aussi, suivant la règle habituelle, celle qui est la plus modifiée. Quelques melons ne sont pas plus gros que des prunes, d’autres pèsent jusqu’à soixante-six livres. Une variété porte un fruit écarlate ; dans une autre variété où il n’a guère qu’un pouce de diamètre, le fruit atteint quelquefois plus d’un mètre de longueur, et est tordu comme un serpent. Dans cette dernière variété, il est singulier que certaines parties de la plante, comme les tiges, les pédoncules des fleurs femelles, les lobes médians des feuilles, et surtout l’ovaire ainsi que le fruit mûr, présentent tous une forte tendance à l’allongement. Plusieurs variétés du melon présentent la particularité intéressante de revêtir les

  1. Naudin, Ann. Sciences nat. — Botan., (4e série), t. XI, 1859, p. 28.
  2. Mémoire sur les Cucurbitacées, 1826, p. 6, 24.
  3. Flore des serres, 1861, cité dans Gard. Chron., 1861, p. 1135. J’ai encore emprunté quelques faits au mémoire de Naudin sur les Cucumis, dans Ann. Sciences nat. (4e série), t. XI, 1859, p. 5.
  4. Sageret, O. C., p. 7.