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CUCURBITACÉES.

petits. Les variations dans les formes des fruits ne sont pas moins étonnantes (p. 33) ; la forme typique est ovoïde, mais elle peut s’allonger en cylindre, ou s’aplatir en disque. L’état de leur surface et leur couleur varient à l’infini, ainsi que la dureté de leur enveloppe, la fermeté de la pulpe et son goût, qui peut être doux, farinacé ou légèrement amer. Les pepins diffèrent un peu par la forme, mais beaucoup par la grosseur (p. 34), et peuvent varier de six à sept à plus de vingt-cinq millimètres de longueur.

Dans les variétés montantes, qui ne grimpent ni ne traînent par terre, les vrilles, quoique inutiles (p. 31), peuvent être présentes ou représentées par des organes semi-monstrueux, ou manquer tout à fait. Les vrilles font quelquefois défaut dans des variétés rampantes, qui ont les liges très-allongées. Il est curieux que dans toutes les variétés à tige naine (p. 31) les feuilles se ressemblent beaucoup par la forme.

Les naturalistes qui admettent l’immutabilité de l’espèce soutiennent souvent que, même dans les formes les plus variables, les caractères qu’ils regardent comme ayant une valeur spécifique sont immuables. En voici un exemple tiré d’un auteur consciencieux, qui, s’appuyant sur les travaux de M. Naudin, dit à propos des espèces de Cucurbita : « Au milieu de toutes les variations du fruit, les tiges, les feuilles, les calices, les corolles, les étamines, restent invariables dans chacune d’elles[1]. » Cependant, décrivant le Cucurbita pepo, voici ce qu’en dit M. Naudin (p. 30) : « Ici, d’ailleurs, ce ne sont pas seulement les fruits qui varient, c’est aussi le feuillage et tout le port de la plante. Néanmoins je crois qu’on la distinguera toujours facilement des deux autres espèces, si l’on veut ne pas perdre de vue les caractères différentiels que je m’efforce de faire ressortir. Ces caractères sont quelquefois peu marqués ; il arrive même que plusieurs d’entre eux s’effacent presque entièrement, mais il en reste toujours quelques-uns qui remettent l’observateur sur la voie. » L’impression que peut produire sur notre esprit, quant à l’immutabilité de l’espèce, ce passage de M. Naudin, est certes bien autre que celle qui résulte de l’affirmation de M. Godron.

Je ferai encore une observation ; les naturalistes affirment toujours qu’aucun caractère important ne varie, tournant ainsi, sans s’en douter, dans un cercle vicieux ; car si un organe, quel qu’il soit, varie beaucoup, on le considère comme peu important, ce qui est correct au point de vue systématique. Mais tant qu’on prendra pour critère de son importance la constance d’un organe, il est évident que de longtemps on ne pourra établir l’inconstance d’un organe essentiel. On doit regarder l’agrandissement des stigmates et leur position sessile au sommet de l’ovaire, comme des caractères importants, et Gasparini s’en est servi pour grouper certaines courges sous un genre distinct ; mais Naudin (p. 20) déclare que ces parties n’ont rien de constant, et reprennent quelquefois leur conformation ordinaire dans les fleurs des variétés Turban du C. maxima. Encore dans ce même C. maxima, les carpelles (p. 19) qui forment le turban font

  1. Godron, O. C., t. II, p. 64.