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FRUITS : NOYERS.

Le point le plus intéressant de l’histoire du groseiller est l’augmentation soutenue de la grosseur de son fruit. C’est Manchester qui est le grand centre des producteurs, et chaque année on donne des prix de cinq shellings à dix livres sterling pour les fruits les plus lourds. Le Registre du Producteur de Groseilles se publie toutes les années, le plus ancien porte la date de 1786, mais on est certain que des réunions pour la distribution de prix avaient déjà eu lieu quelques années auparavant[1]. Celui de 1845 rend compte de 171 expositions de groseilles, qui eurent lieu cette année-là en différents endroits ; ce fait montre sur quelle vaste échelle on a dû se livrer à cette culture. Le fruit du groseiller sauvage[2] pèse, dit-on, environ un quart d’once (grammes 7,77) ; en 1786 on en exposait qui pesaient le double ; en 1817, on avait atteint le poids de 1 once 1/3 (gr. 41,67) ; après un temps d’arrêt on parvint en 1825 à celui de gr. 49,21 ; en 1830, la groseille « Teazer » pesait gr. 50,57 ; — en 1841, « Wonderful » gr. 50,76 ; — en 1844, « London » gr. 55,16, et atteignit l’année suivante gr. 56,88 ; enfin en 1852, dans le Staffordshire, le fruit de cette même variété avait atteint le poids étonnant de gr. 57,94[3], c’est-à-dire de sept à huit fois celui du fruit sauvage. Je trouve que c’est exactement le poids d’une petite pomme ayant 6 pouces 1/2 de circonférence. La groseille « London, » qui en 1862 avait déjà gagné 343 prix, n’a jamais dépassé le poids auquel elle était parvenue en 1852. Le fruit du groseiller est probablement arrivé au poids maximum possible, à moins que par la suite il n’apparaisse une nouvelle variété.

Cet accroissement graduel, mais soutenu, du poids de la groseille depuis la fin du siècle dernier jusqu’à l’année 1852, est probablement dû en partie à l’amélioration des méthodes de sa culture, à laquelle on donne de grands soins, tant au terrain qu’on fume avec des composts, qu’aux plantes auxquelles on ne laisse qu’un petit nombre de baies sur chaque buisson[4] ; mais il doit être surtout attribué à la sélection soutenue des plantes, qui se sont montrées les plus aptes à produire des fruits aussi extraordinaires. Il est certain qu’en 1817 le « Highwayman » ne pouvait donner des fruits comme le « Roaring Lion » en 1825, ni ce dernier, quoique élevé dans beaucoup de localités et par bien des personnes, atteindre au triomphe obtenu en 1852 par la groseille « London. »

Noyer (Juglans regia). — Cet arbre ainsi que le noisetier, sont dignes d’attention comme appartenant à un ordre bien différent des précédents. Le noyer croît sauvage dans le Caucase et l’Himalaya, où le Dr Hooker[5] a trouvé les noix de belle grandeur, mais très-dures. En Angleterre le noyer présente des différences considérables, dans la forme et la grosseur de la

  1. M. Clarkson, de Manchester, sur la culture de la groseille, dans Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. IV, 1828, p. 482.
  2. Downing, O. C., p. 213.
  3. Gardener’s Chronicle, 1844, p. 811, avec une table, et 1845, p. 819. — Pour les poids maxima atteints, voir Journal of Hort., 1864, p. 61.
  4. M. Saul, de Lancaster, dans Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. III, 1828, p. 421, et vol. x, 1834, p. 42.
  5. Himalayan Journals, 1854, vol. II, p. 334. — Moorcroft, Travels, vol. II, p. 146, décrit quatre variétés cultivées au Kaschmir.