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FRUITS.

descend d’une seule espèce, qu’on trouve sauvage dans les régions caucasiennes[1]. À ce titre, ses variétés méritent attention, car elles présentent des différences auxquelles quelques botanistes ont cru devoir attribuer une valeur spécifique dans les amandiers et les pruniers. Dans son excellente monographie sur l’abricot, M. Thompson[2] en décrit dix-sept variétés. Nous avons vu que les pêchers vrais et les pêchers lisses varient d’une manière tout à fait parallèle, et nous rencontrons dans l’abricot, qui appartient à un genre très-voisin, des variations analogues à celles des pêches, ainsi qu’à celles des prunes. Les variétés diffèrent beaucoup par la forme de leurs feuilles qui sont dentelées ou crénelées, quelquefois garnies à leur base d’appendices auriformes, et portent des glandes sur le pétiole. Les fleurs se ressemblent ordinairement, mais sont petites dans la variété « Masculine. » Le fruit varie de grosseur, de forme, par une suture peu marquée et souvent absente, par la peau lisse ou duveteuse comme dans l’abricot-orange ; enfin par l’adhérence de la pulpe au noyau comme dans la variété que nous venons de nommer, ou par sa non-adhérence comme dans l’abricot de Turquie. Nous voyons dans ces différences une grande analogie avec les variations des pêches et des brugnons, mais le noyau en présente de bien plus importantes encore, car elles ont même été considérées comme ayant une valeur spécifique dans le cas de la prune. Quelques abricots ont le noyau presque sphérique, il est très-aplati dans d’autres, tantôt tranchant en avant, ou mousse à ses deux extrémités, quelquefois creusé sur le dos ou présentant une arête tranchante sur ses deux bords. Dans l’abricot « Moorparke, » et généralement chez le « Hemskirke, » le noyau offre le singulier caractère d’être perforé, la perforation étant traversée de part en part par un faisceau de fibres. D’après Thompson, le caractère le plus constant et le plus important, est celui de la douceur ou de l’amertume de l’amande ; cependant nous avons, sous ce rapport, des gradations insensibles, car l’amande est très-amère dans l’abricot « Shipley, » moins dans le « Hemskirke » que dans quelques autres sortes ; très-peu amère dans le « Royal, » et douce comme une noisette dans les variétés Breda, Angoumoise et d’autres. Quelques autorités ont, à propos de l’amandier, considéré l’amertume comme signe d’une différence spécifique.

Dans l’Amérique du Nord, l’abricot Romain résiste à des expositions froides et défavorables où aucune autre variété, la Masculine exceptée, ne peut réussir, et ses fleurs supportent sans souffrir un gel rigoureux[3]. D’après M. Rivers[4], les abricotiers de semis ne dévient que peu des caractères de leur race ; en France, la variété Alberge s’est constamment reproduite ainsi avec fort peu de variation. À Ladakh, d’après Moorcroft[5], on cultive dix variétés fort différentes d’abricots, qui toutes, à l’exception d’une qu’on a coutume de greffer, sont propagées par graine.

  1. Alph. de Candolle, O. C., p. 379.
  2. Transact. Hort. Soc. (2e  série), vol. I, 1835, p. 56. — Cat. of Fruit in Garden of Hort. Soc., 3e  édit., 1842.
  3. Downing, O. C., p. 157, — p. 153 pour l’abricot Alberge en France.
  4. Gardener’s Chronicle, 1863, p. 304.
  5. Travels in the Himalayan Provinces, 1841, vol. I, p. 275.