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CÉRÉALES.

Virgile[1] : « J’ai vu que les semences, choisies et examinées avec le plus grand soin, dégénèrent encore, si chaque année la main de l’homme n’en choisit les plus belles. » Nous pouvons cependant douter, que la sélection ait été bien méthodiquement poursuivie dans les temps anciens, à en juger par la peine que M. Le Couteur a dû se donner pour l’appliquer. Malgré l’importance de la sélection, le résultat minime auquel l’homme est arrivé, après des efforts incessants pendant des milliers d’années[2], pour rendre les plantes plus productives, ou les grains plus nutritifs qu’ils ne l’étaient du temps des anciens Égyptiens, semblerait infirmer son efficacité. Mais il ne faut pas oublier qu’à chaque période successive, ce sont l’état de l’agriculture, et la quantité d’engrais fournis à la terre, qui ont déterminé le degré maximum de sa productivité, car il ne serait pas possible de cultiver une variété très-productive, dans une terre qui ne contiendrait pas la proportion voulue des éléments chimiques nécessaires.

Nous savons maintenant que, dès une époque excessivement reculée, l’homme était assez civilisé pour cultiver la terre, de sorte que le froment pouvait déjà avoir été depuis fort longtemps amélioré jusqu’au point de perfection compatible avec l’état existant de l’agriculture d’alors. Quelques faits semblent appuyer cette idée de l’amélioration lente et graduelle de nos céréales. Dans les plus anciennes habitations lacustres de la Suisse, où les hommes n’employaient que des instruments de pierre, le froment qu’ils cultivaient était une sorte particulière, dont les épis et les grains étaient fort petits[3]. Tandis que les grains des formes modernes ont de sept à huit millimètres de longueur, les plus grands des habitations lacustres n’ont que six, rarement sept, et les plus petits quatre millimètres de longueur. L’épi est ainsi plus étroit, et les épillets plus horizontaux que dans nos formes actuelles. De même pour l’orge, l’espèce la plus ancienne et la plus abondamment cultivée,

  1. « Vidi lecta diu, et multo spectata labore,
    Degenerare tamen, ni vis humana quotannis
    Maxima quæque manu legeret : … »

    (Géorgiques ; lib. I, 197–199). — Columelle et Celsus, cités par Lecouteur, O. C., p. 16.

  2. Alph. de Candolle. O. C., p. 932.
  3. O. Heer. Die Pflanzen, etc. — Dr Christ, dans Die Fauna der Pfahlbauten du prof. Rütimeyer 1861, p. 225.