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SUR LES PLANTES CULTIVÉES.

premiers colonisateurs polynésiens avaient apporté avec eux des graines, des racines, ainsi que le chien, qui tous avaient été sagement conservés pendant leur long voyage. Les Polynésiens se sont si souvent perdus sur l’Océan, qu’ils devaient prendre en s’embarquant des précautions de ce genre. Les premiers colonisateurs de la Nouvelle-Zélande, non plus que les colons européens plus récents, ne devaient donc avoir de motifs pressants pour se livrer à la culture des plantes indigènes. D’après M. de Candolle, nous devons au Mexique, au Pérou et au Chili, trente-trois plantes utiles ; ce fait n’a rien d’étonnant, si nous songeons à l’état de civilisation auquel étaient parvenus ces pays, à en juger par les travaux pour l’irrigation artificielle, les tunnels percés dans des roches dures sans le secours du fer ou de la poudre, exécutés par leurs habitants, qui, en ce qui concerne les animaux, et par conséquent probablement aussi les plantes, connaissaient et appliquaient le principe de la sélection. Le Brésil nous a fourni quelques plantes, et les anciens voyageurs, entre autres Vespuce et Cabral, décrivent le pays comme très-peuplé et cultivé. Dans l’Amérique du Nord[1], les naturels cultivaient du maïs, des courges, des fèves et des pois, tous différents des nôtres, et le tabac ; et nous ne sommes nullement autorisés à affirmer qu’aucune de nos plantes actuelles ne puisse pas descendre de ces formes de l’Amérique du Nord. Si ce pays avait été civilisé depuis une aussi longue période, et aussi fortement peuplé que l’Asie et l’Europe, il est probable que la vigne indigène, le mûrier, les pommiers et pruniers auraient, après une culture prolongée, donné naissance à une foule de variétés, dont plusieurs fort différentes de leur souche primitive, et dont les produits échappés auraient probablement, tant dans le nouveau monde que dans l’ancien, singulièrement compliqué les questions relatives à leur distinction spécifique et à leur origine[2].

  1. Pour le Canada, voir J. Cartier, Voyage en 1534. — Pour la Floride, voyages de Narvaez et de Ferd. de Soto, dont je ne puis indiquer exactement les renvois aux pages ayant consulté ces anciens voyages dans plusieurs collections différentes. Voir aussi pour plusieurs renseignements, Asa Gray, American Journal of Science, vol. XXIV, 1857, p. 441. Pour les traditions des indigènes de la Nouvelle-Zélande, voir Crawfurd, Grammar and Dict. of the Malay language, 1852, p. 260.
  2. Voir Cybele Britannica, vol. I, p. 330, 334 etc., remarques sur nos pruniers, cerisiers et pommiers sauvages, par M. H. C. Watson. — Van Mons, Arbres fruitiers, 1835, t. I, p. 444, déclare qu’il a trouvé les types de toutes nos variétés cultivées dans des sauvageons, mais alors il considère ces sauvageons comme autant de souches originelles.