Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/344

Cette page a été validée par deux contributeurs.
328
REMARQUES PRÉLIMINAIRES

Barth[1] raconte que, sur une grande partie de la région centrale, les esclaves recueillent régulièrement les graines d’une herbe sauvage, le Pennisetum distichum : il a vu, dans une autre contrée, les femmes ramassant les graines d’un Poa en promenant une sorte de panier, au travers des herbages des riches prairies. Près de Tête, Livingstone a vu les naturels récoltant les graines d’une herbe sauvage ; et, plus au midi, d’après Anderson, les habitants font grand usage d’une graine grosse comme celle du panais, qu’ils font bouillir dans l’eau. Ils mangent aussi les racines de certains roseaux, et tout le monde sait que les Boschimans déterrent, pour s’en nourrir, diverses racines au moyen de pieux en bois durcis au feu. On pourrait citer d’autres faits analogues sur l’emploi des graines d’herbes sauvages dans d’autres parties du globe[2].

Accoutumés que nous sommes à nos excellents légumes et à nos fruits savoureux, nous nous persuadons difficilement que les racines astringentes de la carotte, ou les petits rejetons de l’asperge sauvage, ou les fruits des pommiers et pruniers sauvages, etc., aient jamais pu avoir quelque valeur ; et cependant ce que nous savons des habitudes des Australiens et des sauvages de l’Afrique du sud, ne peut nous laisser aucun doute à cet égard. Pendant la période de la pierre, les habitants de la Suisse récoltaient, sur une vaste échelle, les prunes et les pommes, les fruits de l’églantier, du sureau, les faînes, et autres baies et fruits sauvages[3]. Jemmy Button, un natif de la Terre de Feu, qui était à bord du Beagle, me disait que les pauvres cassis acides de cette localité étaient encore trop doux pour son goût.

Dans chaque pays, les habitants sauvages ayant, à la suite de rudes expériences, reconnu les plantes qui pouvaient être utilisées telles quelles, ou le devenir moyennant certains apprêts culinaires, ont dû faire le premier pas vers leur culture,

  1. Voyages dans l’Afrique centrale, vol. I, p. 529 et 390 ; vol. II, p. 29, 265, 270. (Trad. anglaise). — Voyages de Livingstone, p. 551.
  2. Ainsi dans l’Amérique du Nord et du Sud. — M. Edgeworth, Journ. Proc. Linn. Soc. vol. VI, bot. 1862, p. 181, dit que, dans les déserts du Pendjab, de pauvres femmes ramassent dans des paniers de paille, les graines de quatre genres d’herbes, qui sont les genres Agrostis Panicum, Cenchrus et Pennisetum, ainsi que celles d’autres genres appartenant à des familles distinctes.
  3. Professeur O. Heer, Die Pflanzen der Pfahlbauten, 1865, Neujahr. Naturforsch. Gesellschaft, 1866, et Dr Christ dans Rütimeyer, Fauna der Pfahlbauten, 1861, p. 226.