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VERS À SOIE.

duction des œufs constitue une branche distincte de l’industrie de la soie. Il résulte des recherches faites par le Dr Falconer, que, dans l’Inde, les habitants pratiquent cette sélection avec les mêmes soins. En Chine, la production des œufs est restreinte à certaines localités favorables, et la loi interdit à ceux qui s’en occupent, l’élevage des vers, pour que toute leur attention et leurs soins soient concentrés sur ce point spécial[1].


Les détails qui suivent, sur les différences des diverses races sont, toutes les fois qu’il n’est pas stipulé le contraire, empruntés à l’excellent ouvrage de M. Robinet[2], travail fait avec beaucoup de soin, et qui dénote chez son auteur une grande expérience. Dans les diverses races, les œufs varient de couleur, de forme (ronds, elliptiques ou ovales), et de grandeur. Les œufs pondus en juin dans le midi de la France, et en juillet dans le centre, n’éclosent que le printemps suivant ; et c’est en vain, dit M. Robinet, qu’on les expose à une température graduellement croissante, pour hâter le développement de la larve. Toutefois il arrive que, sans cause connue, quelques amas d’œufs parcourent immédiatement leurs phases ordinaires, et éclosent dans les vingt ou trente jours. On peut conclure de ce fait et de quelques autres analogues, que les vers à soie Trevoltini d’Italie, dont les œufs éclosent dans les quinze à vingt jours, ne constituent pas nécessairement, comme on l’a soutenu, une espèce distincte. Quoique les races qui vivent dans les pays tempérés, donnent des œufs qu’on ne peut pas immédiatement faire éclore par la chaleur artificielle, lorsqu’on les transporte dans un climat chaud, elles acquièrent graduellement la faculté de se développer plus promptement, comme la race Trevoltini[3].

Vers. — Ceux-ci varient beaucoup quant à la taille et à la couleur. Leur peau est généralement blanche, quelquefois marbrée de noir ou de gris, et occasionnellement tout à fait noire. La couleur, même dans les races pures, n’est toutefois, d’après M. Robinet, pas constante ; il faut en excepter la race tigrée, ainsi nommée parce qu’elle est marquée de raies transversales noires. La couleur générale du ver n’étant pas en corrélation avec celle de la soie[4], les sériciculteurs n’ont fait aucune attention à ce caractère, et il n’a pas été fixé par sélection. Le capitaine Hutton a démontré que les marques tigrées foncées qui apparaissent si fréquemment sur les vers de différentes races, pendant les dernières mues, sont dues à un fait de retour, car les chenilles de plusieurs espèces sauvages, et voi-

  1. Je donnerai au chapitre sur la sélection mes autorités pour ces assertions.
  2. Manuel de l’Éducateur de vers à soie, 1848.
  3. Robinet, O. C., p. 12, 318. — Je puis ajouter que les œufs de vers à soie de l’Amérique du Nord, transportés aux îles Sandwich se sont développés très-irrégulièrement ; et les papillons obtenus pondirent des œufs qui se comportèrent encore plus mal sous ce rapport. Quelques-uns furent éclos dans dix jours, d’autres après un intervalle de plusieurs mois. On aurait sans doute fini par obtenir quelque caractère régulier. Voir Athenæum, 1844, p. 329, et Scenes in the Sandwich Islands, de J. Jarves.
  4. Art d’élever les vers à soie, traduit du comte Dandolo, 1825, p. 23.