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POISSONS DORÉS.

une variation et une monstruosité. Les poissons dorés n’étant que des objets d’ornement ou de curiosité, et que les Chinois[1] sont précisément gens à réserver une variété accidentelle pour la propager, il est à peu près certain que la sélection a dû être largement mise en jeu par eux dans la formation de races nouvelles. Il est toutefois singulier que quelques-unes des monstruosités ou variations ne soient pas héréditaires ; car Sir R. Heron[2], ayant observé un grand nombre de ces poissons, et ayant placé dans un réservoir spécial, tous les poissons difformes, tels que ceux privés des nageoires dorsales, ou ayant deux nageoires anales ou une triple caudale, a pu constater que ces poissons anormaux ne produisaient pas une plus forte proportion de poissons difformes que les autres.

Laissant de côté la diversité presque infinie des colorations, nous rencontrons chez ces animaux les modifications les plus extraordinaires dans la structure. Ainsi, sur environ deux douzaines d’individus pris à Londres, M. Yarrell a observé, chez les uns, la nageoire dorsale occupant plus de la moitié de la longueur du dos ; chez d’autres, cette nageoire était réduite à cinq ou six rayons seulement ; un n’en avait point du tout. Les nageoires anales sont quelquefois doubles ; et la caudale est souvent triple. Cette dernière déviation semble généralement avoir lieu aux dépens de tout ou partie d’une autre nageoire[3] ; cependant Bory de Saint-Vincent[4] a vu à Madrid, des poissons dorés ayant à la fois la dorsale et une queue triple. Il y a une variété caractérisée par une bosse dorsale située près de la tête, une autre variété des plus singulières, importée de Chine, a été décrite par le Rev. L. Jenyns[5] ; sa forme est presque globuleuse comme celle de Diodon, la partie charnue de sa queue est supprimée, et la nageoire caudale est implantée un peu en arrière de la dorsale et immédiatement au-dessus de l’anale. Les nageoires caudale et anale étaient doubles, cette dernière étant verticalement attachée au corps ; les yeux étaient aussi très-grands et saillants.

  1. M. Blyth, Indian Field, 1858, p. 255.
  2. Proc. zool. Soc., 25 Mai 1842.
  3. Yarrell, O. C., vol. I, p. 319.
  4. Dict. class. d’Hist. nat. t. v, p. 276.
  5. Observations in nat. Hist. 1846, p. 211. — Dr Gray a décrit dans Annals and Mag. of nat. Hist., 1860, p. 151, une variété semblable, mais privée de nageoire dorsale.