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CANARDS DOMESTIQUES.

trouve occasionnellement dans nos basses-cours, est bien digne d’attention. Il paraît que le climat de l’archipel Malais favorise les variations dans le plumage du canard, car Zollinger[1], à propos de la race Pingouine, remarque qu’à Lombok il y a une variété étonnante et exceptionnelle de ces oiseaux. J’ai gardé vivant un canard Pingouin mâle, qui différait de ceux dont j’avais reçu les peaux de Lombok, par sa poitrine et son dos partiellement teintés de brun marron, ce qui le rapprochait encore davantage du canard sauvage.

Ces divers faits, surtout la présence des plumes frisées chez les mâles de toutes les races, et la ressemblance fréquente du plumage de certaines sous-variétés de chacune d’elles, à celui du canard sauvage, nous autorisent à conclure avec certitude, que toutes les races domestiques proviennent de l’A. boschas.


Je vais maintenant signaler quelques particularités caractérisant les diverses races. La coloration des œufs varie ; quelques canards communs pondent des œufs d’un vert pâle, dans d’autres ils sont blancs. Les premiers œufs de chaque saison pondus par la cane Labrador noire, sont teintés de noir, comme si on les avait frottés d’encre. Il y a donc, comme chez les poules, une certaine corrélation entre la couleur du plumage et celle de la coquille de l’œuf. Un bon observateur m’a informé que ses canes Labrador, ayant une année pondu des œufs entièrement blancs, les vitellus se trouvèrent pendant la saison d’un vert-olive sale, au lieu d’être comme à l’ordinaire d’un jaune d’or, de sorte que la teinte noire semblait s’être portée à l’intérieur. Un autre cas curieux, qui montre quelles variations singulières peuvent parfois se produire et être héréditaires, est celui signalé par M. Hansell[2], d’une cane de la race commune, dont les œufs avaient invariablement le vitellus d’un brun foncé, semblable à de la colle fondue ; les jeunes femelles provenant de ces œufs, et qui furent élevées, pondirent aussi des œufs semblables, et on fut obligé de détruire la race.

Le canard à bec courbé a une apparence très-remarquable (fig. 39 crâne) ; cette forme de bec remonte au moins à l’année 1676, et, par sa structure, est évidemment analogue à celui que nous avons décrit chez le pigeon messager Bagadotten. M. Brent[3] assure que, lorsqu’on croise les canards à bec courbés avec la race ordinaire, un grand nombre des jeunes qui proviennent de ce croisement, naissent avec la mandibule supérieure plus courte que l’inférieure, ce qui cause fréquemment la mort de l’oiseau. La présence d’une touffe de plumes sur la tête n’est point une chose rare, et se rencontre d’abord dans la vraie race huppée, chez les Becs-courbés et chez

  1. Journal of the Indian Archipelago, vol. v, p. 334.
  2. The Zoologist, vol. VII, VIII ( 1849-50), p. 2353.
  3. O. C., 1855, vol. III, p. 512.