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LEUR ORIGINE.

tament et aux Grecs de la période Homérique. Columelle[1] et Varron, il y a dix-huit cents ans, mentionnent la nécessité de tenir les canards dans des enclos fermés comme les autres oiseaux sauvages ; ce qui montre qu’à cette époque, on craignait qu’ils ne s’échappassent. En outre, le conseil que donne Columelle à ceux qui désiraient augmenter le nombre de leurs canards, de recueillir les œufs de l’oiseau sauvage, et de les mettre sous une poule, prouve qu’alors le canard n’était pas encore devenu l’hôte naturalisé et prolifique de la basse-cour romaine. Presque toutes les langues d’Europe témoignent de la provenance du canard domestique de l’espèce sauvage, car toutes désignent sous le même nom l’une et l’autre forme. Le canard sauvage offre une immense distribution, qui s’étend depuis l’Himalaya jusqu’à l’Amérique du Nord. Il s’apparie librement avec la forme domestique, et donne des produits métis entièrement fertiles. On a constaté, tant en Amérique qu’en Europe, que l’apprivoisement du canard sauvage est facile, et qu’il reproduit sans peine en captivité. L’essai a été fait en Suède par Tiburtius, qui réussit à en élever trois générations, sans observer chez eux la moindre variation, bien qu’il les traitât comme des canards domestiques. Les canetons souffraient de ce qu’on les laissait aller dans l’eau froide[2], ce qui, comme on le sait, est aussi le cas, bien qu’il soit étrange, pour les jeunes canetons domestiques. Un observateur bien connu d’Angleterre[3], a décrit avec détails ses essais répétés et réussis sur la domestication du canard sauvage. On obtient aisément l’éclosion des petits, en faisant couver les œufs par une poule Bantam ; mais pour réussir, il ne faut pas mettre sous la même poule, à la fois des œufs de canard sauvage et de canard domestique, car alors les canetons sauvages ne tardent pas à périr, laissant à leurs frères plus robustes, la jouissance complète des soins de leur mère adoptive. C’est le résultat certain des diffé-

  1. Dureau de la Malle, Ann. des Sciences naturelles, t. XVII, p. 164 et t. XXI, p. 55. — Rev. E. S. Dixon, Ornamental Poultry, p. 118. — Le canard domestique n’était pas connu du temps d’Aristote, comme le fait remarquer Volz, Beiträge zur Kulturgeschichte, 1852, p. 78.
  2. Cité d’après Die Enten, Schwanenzucht, Ulm, 1828, p. 143. — Audubon, Ornithological Biography, v. III, p. 168, sur l’apprivoisement du canard au Mississipi. — Pour l’Angleterre, Waterton, dans Loudon’s Mag. of nat. Hist. vol. VIII, 1835, p. 542, et St-John, Wild Sports and nat. Hist. of the Highlands, 1846, p. 129.
  3. E. Hewitt, Journal of Horticulture, 1862, p. 773, et 1863, p. 39.