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CANARDS DOMESTIQUES.

comme une race ; elle comprend deux sous-variétés, une aussi grande que le canard domestique commun, et que j’ai gardée vivante, l’autre plus petite et capable de vol[1]. Je suppose que c’est cette dernière qu’on a décrite en France[2] comme volant bien, étant un peu sauvage, et ayant le goût du canard sauvage ; toutefois cette variété est polygame comme les autres canards domestiques, ce qui n’est pas le cas de l’espèce sauvage. Ces canards du Labrador noirs reproduisent fidèlement leur type ; cependant le Dr Turral a signalé le cas d’un canard de cette sous-variété ayant produit, en France, des jeunes présentant sur le cou et la tête quelques plumes blanches et une tache de couleur ocre sur la poitrine.

Race II. — Canard à bec courbé (Hook-billed Duck). — La courbure inférieure du bec de cet oiseau lui donne une apparence extraordinaire ; sa tête est souvent huppée. Il est ordinairement blanc, quelquefois il est coloré comme le canard sauvage. C’est une race ancienne, car il en est fait mention en 1676[3]. Elle témoigne par sa fécondité de l’antiquité de sa domestication, car elle pond presque constamment des œufs[4].

Race III. — Canard Chanterelle (Call-Duck). — Remarquable par sa petite taille et la loquacité extraordinaire de la femelle. Bec court. Ces oiseaux sont blancs ou colorés comme l’espèce sauvage.

Race IV. — Canard Pingouin. — Cette race, la plus remarquable de toutes, paraît originaire de l’archipel Malai. Elle marche avec le corps très-redressé, et le cou tendu et relevé. Bec plutôt court. Queue retroussée, portant dix-huit rectrices. Fémur et métatarse allongés.


Presque tous les naturalistes admettent la descendance de ces diverses races du canard sauvage commun (Anas boschas) ; Les éleveurs par contre ont d’autres idées à ce sujet[5]. À moins de nier que la domestication, prolongée pendant des siècles, ne puisse affecter des caractères aussi peu importants que ceux de la couleur, de la taille, et un peu les dimensions proportionnelles, et le naturel, il n’y a pas à mettre en doute la provenance du canard domestique de l’espèce sauvage commune, car il ne diffère de ce dernier par aucun caractère important. Quelques documents historiques peuvent nous renseigner sur l’époque et les progrès de la domestication du canard. Il était inconnu[6] aux anciens Égyptiens, aux Juifs de l’Ancien Tes-

  1. Poultry Chronicle (1854), vol. II, p. 91, et vol. I, p. 330.
  2. Dr Turral, Bull. Soc. d’Acclimat. t. VII, 1860, p. 541.
  3. Willughby, Ornithology ; par Ray, p. 381. Aussi figurée par Albin en 1734, dans Nat. Hist. of Birds, vol. II, p. 86.
  4. F. Cuvier, Ann. du Muséum, t. IX, p. 128, dit qu’il n’y a que la mue et l’incubation qui puissent arrêter la ponte chez ces canards. Aussi Brent dans Poultry Chronicle, 1855, v. III, p. 512.
  5. Rev. E. S. Dixon, Ornemental Poultry, (1848), p. 117. — Brent, Poultry Chron., v. III, p. 512, 1855.
  6. Crawfurd, Relation of domesticated Animals to civilisation etc., 1860.