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RACES GALLINES.

retour occasionnel vers d’anciens caractères depuis longtemps perdus ; les croisements des races, quand il s’en est déjà formé un certain nombre ; mais, par-dessus tout, une sélection inconsciente poursuivie pendant une longue série de générations, sont autant de circonstances qui, à mon avis, lèvent toutes les difficultés qui semblent s’opposer à l’admission de l’opinion, que toutes les races descendent d’une souche primitive unique. Peut-on nommer une espèce qui puisse raisonnablement être considérée comme cette souche ? Le Gallus Bankiva me paraît réunir toutes les conditions requises. Je viens de résumer de mon mieux les arguments favorables à l’origine multiple des diverses races ; je vais maintenant exposer ceux qui militent en faveur de leur descendance commune du G. Bankiva.


Une description préalable de toutes les espèces connues du genre Gallus me paraît ici nécessaire. Le G. Sonneratii ne s’étend pas dans les parties septentrionales de l’Inde ; d’après le col. Sykes[1], il offre à différentes hauteurs des Ghauts, deux variétés bien marquées, méritant peut-être le nom d’espèces. Cet oiseau a été regardé longtemps comme la souche de nos races domestiques, preuve qu’il s’en rapproche beaucoup par sa conformation générale ; mais ses plumes sétiformes consistent en lames cornées très-particulières, transversalement barrées de trois couleurs, caractère qui, à ma connaissance, n’a été observé chez aucune race domestique[2]. Cette espèce diffère aussi beaucoup de nos races communes par la fine dentelure de sa crête, et par l’absence de vraies plumes sétiformes sur les reins. Sa voix est toute différente. Elle se croise aisément avec la poule domestique dans l’Inde ; M. Blyth[3] a obtenu une centaine de poussins métis, mais fort délicats, et qui périrent presque tous jeunes. Ceux qu’on put élever demeurèrent entièrement stériles, tant entre eux qu’avec l’un et l’autre des parents. Quelques métis ayant la même origine, élevés au Jardin zoologique, se sont cependant montrés moins inféconds. M. Dixon m’informe que, d’après quelques recherches sur ce sujet faites par lui avec le concours de M. Yarrell, il a pu, sur une cinquantaine d’œufs, obtenir cinq ou six poulets. Quelques-uns de ces métis, recroisés avec un de leurs parents, un Bantam, ont donné quelques poulets extrêmement faibles. Des croisements semblables, opérés de diverses manières par M. Dixon, lui ont donné des produits plus ou moins inféconds ; il en a été de même d’expériences qui ont été entreprises sur une grande échelle au Jardin zoolo-

  1. Proc. zoolog. Soc., 1832, p. 151.
  2. J’ai examiné les plumes de quelques métis d’un mâle G. Sonneratii et d’une poule rouge élevée au Jardin zoologique, qui possédaient tous les caractères de celles des G. Sonneratii, les lames cornées étaient seulement plus petites.
  3. Lettre de M. Blyth sur les oiseaux de basse-cour dans l’Inde, dans Gardener’s Chronicle, 1851, p. 619.