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RACES GALLINES.

nombre de générations, et les réservant pour la reproduction, leurs meilleurs oiseaux.

Voici ce qu’écrit un amateur[1]. « Le fait que les oiseaux de basse-cour n’ont que tout récemment attiré l’attention de l’éleveur, et ne sont restés jusque-là qu’un objet de production pour le marché, suffit pour montrer l’improbabilité qu’on ait dû apporter à leur reproduction, cette attention soutenue et incessante qui est nécessaire pour déterminer, dans la progéniture de deux oiseaux, des formes transmissibles non apparentes chez les parents. » Ceci à première vue, paraît vrai ; mais dans un chapitre futur sur la sélection, nous apporterons des faits nombreux, qui montreront qu’à une époque déjà fort ancienne, des races humaines à peine civilisées ont pratiqué une véritable sélection. Dans le cas du coq, je ne puis pas citer de faits directs prouvant l’emploi ancien de la sélection ; mais on sait qu’au commencement de l’ère chrétienne, les Romains avaient déjà six ou sept races, et Columelle recommande comme les meilleures « les sortes qui ont cinq doigts et les oreilles blanches[2]. » On connaissait en Europe, au xve siècle, plusieurs races qui ont été décrites ; et à peu près à la même époque, en Chine, il y en avait sept portant des noms distincts. Actuellement, dans une des îles Philippines, les naturels, quoique à demi barbares, distinguent par des noms différents non moins de neuf sous-races de volaille[3]. Azara[4], qui écrivait à la fin du siècle dernier, raconte que, dans l’intérieur de l’Amérique du Sud, où on se serait le moins attendu à trouver des soins de cette nature, on élevait une race à peau et os noirs, parce qu’elle était productive, et sa chair bonne pour les malades. Or tous ceux qui se sont occupés de l’élevage de la volaille, savent combien il est impossible de maintenir les races distinctes, sans prendre les plus grandes précautions pour séparer les sexes. Peut-on donc admettre que, autrefois et dans des pays peu civilisés, ceux qui ont pris la peine de conserver distinctes des races qui avaient

  1. Ferguson, Illustrated series of rare and prize Poultry, 1854. Préface, p. vi.
  2. Rev. E. S. Dixon, Ornamental Poultry, p. 203, analyse de l’ouvrage de Columelle.
  3. M. Crawfurd, On the relation of domesticated Animals to civilization, p. 6 ; lu à British Association à Oxford ; 1860.
  4. Quadrupèdes du Paraguay, t. II, p. 324.