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MODE DE FORMATION DES PRINCIPALES RACES.

excellents, descendants d’une paire qui avait été primée dans un concours, et une autre série de Barbes provenant de la souche du célèbre éleveur Sir John Sebright ; ces derniers différaient visiblement des précédents par la forme de leur bec, mais par des modifications trop faibles pour pouvoir être exprimées par une description. Les Culbutants anglais et hollandais diffèrent encore à un degré assez prononcé, par la forme de la tête et la longueur du bec. On ne peut pas plus s’expliquer la cause de ces légères variations, qu’on ne peut expliquer pourquoi un homme a un long nez tandis qu’un autre l’a court. Dans les branches maintenues pendant longtemps distinctes chez différents éleveurs, ces variations sont si communes, qu’on ne peut les attribuer à l’existence de différences égales chez les oiseaux choisis primitivement comme souches. Il est probable qu’il faut en chercher la cause dans l’application d’une sélection un peu différente dans chaque cas, car jamais deux éleveurs n’ont exactement les mêmes goûts, et par conséquent ne préfèrent et ne choisissent, pour les apparier, exactement les mêmes oiseaux. Chacun admirant naturellement ses propres produits, va constamment en augmentant, et en exagérant les particularités qu’ils peuvent présenter. Cela arrivera surtout aux éleveurs qui, habitant des pays étrangers, ne peuvent comparer leurs différents produits, et ne visent pas à un type uniforme de perfection. Il en résulte que, lorsqu’une branche s’est ainsi formée, la sélection inconsciente tendant toujours à augmenter la somme des différences, finit par la convertir en sous-race, et finalement celle-ci en une variété ou race bien accusée.

Il ne faut pas non plus perdre de vue la corrélation de croissance. Dans la plupart des Pigeons, probablement par suite du défaut d’usage, les pattes ont subi une réduction, et en corrélation avec ce fait, le bec paraît diminuer de longueur. Le bec étant un organe apparent, dès qu’il sera devenu sensiblement plus petit, les éleveurs auront voulu le réduire toujours davantage, par la sélection des oiseaux ayant les plus petits becs ; tandis qu’en même temps d’autres éleveurs, comme cela a effectivement eu lieu, auront cherché au contraire à obtenir des becs de plus en plus longs. La langue suivant le bec dans son accroissement, s’allonge aussi ; les paupières se dévelop-