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MODE DE FORMATION DES PRINCIPALES RACES.

estimées dans l’Inde n’ont aucune valeur en Angleterre. Lorsqu’on néglige les races, elles dégénèrent sans doute, mais tant qu’on les maintient dans les mêmes conditions, les caractères acquis peuvent être conservés longtemps, et devenir le point de départ d’une nouvelle série de sélections.

On ne peut objecter à cette appréciation de l’action de la sélection inconsciente, que les éleveurs n’observent ni ne s’inquiètent de très-légères différences. Il faut les avoir suivis de près, pour pouvoir apprécier le degré de discernement qu’ils acquièrent par une longue pratique, et se faire une idée du travail et des soins qu’ils peuvent prodiguer à leurs oiseaux de prédilection. J’en ai connu un qui, chaque jour, étudiait patiemment ses oiseaux, pour décider lesquels il devait apparier ou rejeter, sujet difficile et à propos duquel M. Eaton, un des éleveurs les plus expérimentés, dit ce qui suit : « Je dois particulièrement vous mettre en garde contre la tendance de vouloir élever une trop grande variété de Pigeons, parce qu’ainsi vous saurez quelque peu sur chaque sorte, mais rien de ce qu’il faudrait bien savoir sur une. Il est possible qu’il se trouve quelques éleveurs qui aient une connaissance générale des différentes sortes de Pigeons, mais un grand nombre s’exposent à des déceptions en se figurant qu’ils connaissent ce qu’ils ne connaissent pas. » Parlant exclusivement d’une sous-variété d’une seule race, le Culbutant courte-face Amande, et après avoir remarqué que quelques amateurs sacrifient toutes les qualités pour obtenir une bonne tête et un bon bec, tandis que d’autres ne visent qu’au plumage, il ajoute : « Quelques jeunes amateurs trop pressés cherchent à obtenir les cinq qualités à la fois, et en récompense de leur peine n’obtiennent rien du tout. » M. Blyth m’informe que, dans l’Inde aussi, on choisit et on apparie les Pigeons avec le plus grand soin. Nous ne devons pas juger des légères différences qui ont pu être prisées autrefois, d’après celles qu’on estime actuellement depuis la formation de races nombreuses, dont chacune a son type de perfection propre, et que nos nombreux concours tendent à maintenir uniforme. La difficulté de dépasser les autres éleveurs dans les races établies, est déjà assez grande pour satisfaire amplement l’ambition de l’éleveur le plus déterminé, sans qu’il cherche à en créer de nouvelles.