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PIGEONS DOMESTIQUES.

cru devoir, à propos de leur origine, entrer dans des développements qui pourront peut-être paraître superflus.

Finalement, à l’appui de la provenance de toutes les races d’une souche unique, nous avons dans le Bizet une espèce encore vivante, distribuée sur une immense étendue, et qui peut être et a été domestiquée dans divers pays. Cette espèce, par la plupart des points de son organisation, et par ses habitudes aussi bien que par tous les détails de son plumage, ressemble aux diverses races domestiques. Elle s’apparie librement avec elles et produit des descendants fertiles. Elle varie[1] à l’état de nature, encore plus à l’état semi-domestique, ce que montre la comparaison des Pigeons de Sierra-Leone avec ceux de l’Inde, ou avec les Pigeons marrons de l’île de Madère. Elle a subi des variations encore bien plus considérables dans le cas des nombreux Pigeons de fantaisie, que personne ne suppose être descendants d’espèces distinctes, et dont plusieurs transmettent cependant leurs caractères depuis des siècles. Pourquoi donc hésiter à admettre les variations plus étendues nécessaires pour la formation des onze races principales ? Il faut avoir présent à l’esprit ce fait, que, dans deux des races les plus tranchées et les plus fortement caractérisées, les Messagers et les Culbutants courtes-faces, les formes les plus extrêmes de ces deux types peuvent être reliées avec leurs formes parentes, par des gradations qui ne sont pas plus considérables que celles qu’on observe entre les Pigeons de colombier de différents pays, ou entre les diverses sortes de Pigeons de fantaisie, gradations qu’on ne peut attribuer qu’à la variation.

Nous allons maintenant montrer que les circonstances ont été particulièrement favorables à la modification du Pigeon par la variation et la sélection. La première mention du Pigeon domestique, comme me l’a indiqué le professeur Lepsius, remonte à la cinquième dynastie égyptienne, soit environ trois mille ans avant J.-C.[2] ; mais M. Birch du British Museum, m’informe qu’il est déjà question du Pigeon dans un menu

  1. Relativement à la variation en général, nous devons remarquer que non-seulement la C. livia présente plusieurs formes sauvages, que quelques naturalistes regardent comme des espèces, d’autres comme des sous-espèces ou seulement des variétés, mais que cela arrive aussi à des espèces de plusieurs genres voisins. D’après M. Blyth, c’est le cas des genres Treron, Palumbus et Turtur.
  2. Denkmäler, Abth. II Bl. 70.