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RETOUR PAR LA COULEUR.

noirs) : je constatai chez les produits des traces faibles mais nettes de barres alaires. J’ai croisé un Runt mâle d’un rouge uniforme avec un Tambour blanc ; les produits eurent la queue d’un bleu ardoisé, avec barre terminale, et les rectrices extérieures bordées de blanc. J’ai croisé aussi une femelle de Tambour tachetée de blanc et de noir (d’une autre famille que la précédente), avec un Culbutant mâle. Aucun des deux n’offrait de traces de bleu, ni de barre caudale, ni de blanc au croupion, et il n’est pas probable que leurs ancêtres aient, depuis bien des générations, manifesté aucun de ces caractères (car je n’ai jamais entendu parler d’un Pigeon Tambour bleu, et mon Culbutant était de race pure), et cependant le métis, produit de ce croisement, avait la queue bleuâtre, terminée par une large bande noire, et le croupion parfaitement blanc. On peut remarquer que, dans plusieurs de ces cas, c’est la queue qui montre la première la tendance à revenir au bleu, mais ce fait de la persistance de la couleur dans la queue et les tectrices caudales[1] n’étonnera aucune personne ayant eu l’occasion de s’occuper du croisement des Pigeons. Je citerai comme dernier cas un des plus curieux. J’appariai un métis femelle Barbe-Paon avec un métis mâle Barbe-Heurté ; ni l’un ni l’autre n’offrant la moindre trace de bleu. Remarquons que la coloration bleue est excessivement rare chez les Barbes, et que les Pigeons Heurtés étaient déjà parfaitement caractérisés en 1676, et reproduisent fidèlement leur type ; il en est de même des Paons blancs, au point que je ne connais pas de cas de Paons blancs ayant procréé des oiseaux d’une autre couleur. Les produits des deux métis dont nous parlons eurent néanmoins le dos et les ailes exactement de la même nuance bleue que le Bizet shetlandais sauvage ; les deux barres des ailes étaient aussi marquées, la queue était en tous points identique, et le croupion était d’un blanc pur. La tête teintée légèrement de rouge, ce qui provenait évi-

  1. Je pourrais en donner de nombreux exemples, je me bornerai à en citer deux. Un métis dont les quatre grands-parents étaient, un Turbit blanc, un Tambour blanc, un Paon blanc et un Grosse-gorge bleu, était blanc à l’exception de quelques plumes sur la tête et les ailes, mais toute la queue et les tectrices étaient d’un gris bleu foncé. Un autre métis, dont les grands-parents avaient été un Runt rouge, un Tambour blanc, un Paon blanc et le même Grosse-gorge bleu, fut entièrement blanc, la queue et les tectrices caudales exceptées, lesquelles étaient d’un fauve pâle ; sur les ailes il y avait trace de deux barres de la même couleur.