Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
PIGEONS DOMESTIQUES.

meister[1] assure que lorsqu’on croise les Pigeons de colombier avec des Pigeons d’autres races, les métis sont très-fertiles et vigoureux. MM. Boitard et Corbié[2] assurent, d’après leurs expériences, que plus les races qu’on croise sont distinctes, plus les métis obtenus par ces croisements sont productifs.

J’admets la grande probabilité de la doctrine formulée par Pallas, bien qu’elle ne soit pas absolument prouvée, à savoir que les espèces voisines qui, croisées à l’état de nature ou après leur capture, restent stériles à un degré plus ou moins prononcé, perdent cette stérilité après une période de domestication prolongée ; cependant lorsque nous considérons la grande différence qui existe entre des races comme les Grosses-gorges, Messagers, Paons, etc., le fait de la fertilité complète et même augmentée qui se remarque chez les produits de leurs croisements les plus complexes, constitue un argument puissant en faveur de leur descendance commune d’une espèce unique. Cet argument acquiert une force nouvelle, quand on voit (je donne dans la note ci-dessous[3] tous

    de la patience. Ce cas d’un mélange de cinq races différentes, sans action sur la fertilité, est important, parce que Gærtner a montré que, très-généralement (quoique pas universellement comme il le croit), les croisements compliqués entre plusieurs espèces sont extrêmement stériles. Je n’ai rencontré que deux ou trois cas de stérilité constatée dans la progéniture de certaines races croisées. Von Pistor (Das Ganze der Feld-Taubenzucht, 1831, p. 15), assure que les métis des Barbes et des Pigeons Paons sont stériles ; j’ai démontré que c’était une erreur, non-seulement en croisant ces métis avec d’autres métis de même provenance, mais encore par l’épreuve plus sévère du croisement de métis frères et sœurs inter se, et qui se montrèrent complètement fertiles. Temminck (Hist. nat. gén. des Pigeons, t. I, p. 197), dit que le Pigeon-Hibou ne se croise pas avec les autres races ; mais les miens, laissés à eux-mêmes, se sont librement croisés avec des Culbutants et des Tambours, et le même fait s’est présenté entre des Turbits et des Pigeons Coquilles et de colombier (Rev. E. Dixon, The Dovecot, p. 107). J’ai croisé des Turbits et des Barbes, ainsi que M. Boitard (p. 84), qui dit que les métis sont tout à fait fertiles. Des métis d’un Turbit et d’un Pigeon Paon ont produit inter se (Riedel, Taubenzucht, p. 25) et Bechstein (Naturg. Deutschl., vol. IV, p. 44). On a croisé des Turbits (Riedel, l. c. p. 26) avec des Grosses-gorges et des Jacobins, et même avec un métis Jacobin-Tambour (Riedel, l. c. p. 27). Ce dernier auteur donne quelques faits vagues sur la stérilité des Turbits appariés avec certaines autres races croisées. Mais je ne doute pas que l’explication qu’en donne Rev. E. S. Dixon ne soit exacte, à savoir qu’il y a des individus qui sont occasionnellement stériles tant dans les Turbits que dans les autres races.

  1. Das Ganze der Taubenzucht, p. 18.
  2. Les Pigeons, etc., p. 35.
  3. Les Pigeons domestiques s’apparient facilement avec le C. œnas (Bechstein, l. c. IV, p. 3), et M. Brent a opéré plusieurs fois le même croisement, mais les jeunes mouraient généralement au bout de dix jours. Un métis élevé par lui (d’un C. œnas et d’un Messager d’Anvers), s’apparia avec un Dragon, mais ne pondit point d’œufs. Bechstein (p. 26) assure que le Pigeon domestique s’apparie avec les C. palumbus, Turtur risoria et T. vulgaris, mais il ne dit rien de la fécondité des hybrides ; si on s’était assuré du fait, il en aurait certainement été fait mention. Au Zoological Garden (d’après un rapport manuscrit de M. J. Hunt), un métis mâle de Turtur vulgaris et un Pigeon domestique se sont appariés avec différentes