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INTRODUCTION.

donc qu’un insecte hyménoptère dépend d’un diptère, lequel dépend lui-même de la propriété qu’il possède de faire naître sur un organe particulier d’une certaine plante une excroissance monstrueuse. Il en est de même dans des milliers de cas, pour les productions les plus infimes comme les plus élevées de la nature.

Ce problème de la conversion de variétés en espèces, — c’est-à-dire l’accroissement des différences légères caractérisant les variétés, jusqu’à arriver à atteindre en importance les différences plus grandes qui caractérisent les espèces et les genres, en y comprenant l’adaptation admirable de chaque être aux conditions vitales organiques et inorganiques si complexes dans lesquelles il se trouve, — formera le sujet principal de mon second ouvrage. Nous y verrons que tous les êtres organisés, sans exception, tendent à se multiplier suivant une progression telle, que même la surface totale de la terre, ou l’océan entier, seraient insuffisants pour contenir la descendance d’un seul couple après un certain nombre de générations.

Il résulte de là un perpétuel combat pour l’existence. On a dit avec raison que toute la nature est en guerre ; les plus forts l’emportent en définitive, les plus faibles cèdent, et nous savons que des myriades de formes ont ainsi disparu de la surface du globe. Si donc, dans l’état de nature, les êtres organisés varient même dans une faible mesure, soit par un changement dans les conditions ambiantes, ce dont la géologie nous fournit d’abondantes preuves, soit par toute autre cause ; si, dans le long cours des siècles, il surgit des variations héréditaires en quoi que ce soit avantageuses à un être dans ses rapports complexes et variables avec son milieu ambiant (et il serait étrange qu’il ne se présentât jamais de pareilles variations avantageuses, puisque l’homme en a déjà rencontré un grand nombre qu’il a su utiliser pour son profit et son plaisir) ; si enfin de pareilles éventualités se sont présentées, ce que je ne mets pas en doute, le combat sans trêve ni merci pour l’existence aura eu pour effet de conserver et de faire prévaloir les variations favorables, quelque faibles qu’elles aient pu être, tout en faisant disparaître celles qui ne l’étaient pas.

C’est cette conservation, pendant la lutte pour l’existence,