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LEUR ORIGINE.

de l’Inde. Des éleveurs ont supposé que les espèces souches auraient été primitivement circonscrites dans de petites îles, où elles auraient pu facilement être exterminées ; mais les faits que nous venons de rappeler ne sont justement pas en faveur de la probabilité d’une pareille extinction, même dans les petites îles. Il n’est pas non plus probable, d’après ce qu’on sait de la distribution des oiseaux, que les îles européennes aient été habitées par des espèces particulières de Pigeons ; et si nous admettons que des îles océaniques éloignées aient été la patrie des espèces primitives parentes, nous devons nous rappeler que les voyages anciens étaient fort lents, et que les navires étant alors mal approvisionnés de nourriture fraîche, il n’aurait pas été facile de rapporter des oiseaux vivants. J’ai dit voyages anciens, car presque toutes les races de Pigeons étaient connues avant l’an 1600, de sorte que les espèces sauvages supposées doivent avoir été capturées et domestiquées avant cette époque.

2o La doctrine de la descendance des principales races domestiques de souches primitives multiples, impliquerait que plusieurs espèces auraient autrefois été assez complètement domestiquées pour avoir pu se croiser entre elles et se reproduire librement. Bien que la plupart des oiseaux sauvages soient faciles à apprivoiser, l’expérience nous apprend qu’il est très-difficile de les faire reproduire en captivité ; cette difficulté est cependant moindre pour les Pigeons que pour d’autres oiseaux. Depuis deux ou trois siècles on a gardé bien des oiseaux en cage, sans qu’on ait pu en ajouter à peine un de plus à notre liste d’espèces complètement apprivoisées ; et pourtant, d’après la doctrine en question, nous serions obligés d’admettre qu’autrefois on a dû apprivoiser et domestiquer environ une douzaine d’espèces de Pigeons, actuellement inconnues à l’état sauvage.

3o La plupart de nos animaux domestiques sont redevenus sauvages dans plusieurs parties du monde, moins fréquemment les oiseaux que les mammifères, apparemment par suite de la perte partielle de la faculté du vol. J’ai trouvé cependant quelques exemples de nos oiseaux de basse-cour devenus marrons dans l’Amérique du Sud et peut-être dans l’Afrique occidentale, ainsi que dans plusieurs îles ; le dindon a été autrefois presque marron sur les bords du Pa-