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VARIABILITÉ INDIVIDUELLE.

faible, comparée à celle qu’on observe souvent dans les espèces naturelles des Colombides.

J’ai rencontré des différences considérables dans le bec d’oiseaux d’une même race, ainsi dans les Jacobins et les Tambours. Il y a souvent une différence très-marquée dans la forme et la courbure du bec chez les Messagers ; il en est de même dans d’autres races : ainsi j’ai eu deux familles de Barbes noires, qui différaient sensiblement par la courbure de leur mandibule supérieure. Deux Pigeons Hirondelles m’ont présenté une grande différence dans la largeur de la bouche. J’ai vu des Pigeons Paons de premier choix, avoir le cou plus long et plus mince que d’autres. Nous avons constaté chez tous les Pigeons Paons (la sous-race de Java exceptée) l’atrophie de la glande graisseuse, et je puis ajouter que cette atrophie est héréditaire, au point que, dans quelques métis de Pigeons Paons et de Grosses-gorges (quoique pas chez tous), la glande graisseuse manque. J’ai constaté également son absence sur un Pigeon Hirondelle et sur deux Pigeons Coquilles.

Le nombre de scutelles des doigts varie souvent dans la même race, et diffère même sur les deux pattes du même animal ; le Bizet du Shetland en a quinze sur le doigt médian et six sur le postérieur ; un Runt en portait sur les mêmes doigts seize et huit, et un Culbutant courte-face douze et cinq. Dans le Bizet, il n’y a pas de membrane interdigitale appréciable, mais j’ai pu constater l’existence d’une membrane ayant 1/4 de pouce de développement entre les deux doigts internes d’un Pigeon Heurté et d’un Coquille. D’autre part, comme nous le verrons avec plus de détails, les pigeons dont les pattes sont emplumées, ont généralement les bases de leurs doigts externes réunies par une membrane. J’ai eu un Culbutant rouge, dont le roucoulement assez différent de celui de ses pareils, se rapprochait par l’intonation de celui du Rieur ; cet oiseau avait à un degré que je n’ai vu chez aucun autre Pigeon, l’habitude de marcher avec ses ailes déployées et voûtées d’une manière fort élégante. Je n’ai pas besoin d’insister sur la grande variabilité qu’offrent toutes les races, quant à la taille, la coloration, l’emplumage des pattes, et le renversement des plumes sur le derrière de la tête ; je mentionnerai cependant un Pigeon Culbutant[1] exposé au Palais de Cristal, et remarquable par une touffe irrégulière de plumes qui ornait sa tête, analogue à celle du coq huppé. M. Bult éleva accidentellement une femelle de Jacobin portant sur la cuisse des plumes assez longues pour toucher terre ; un mâle présentant quoique à un moindre degré, la même particularité, il apparia ces deux oiseaux et en obtint des produits semblables, qui furent exposés au Philoperisteron Club. J’ai élevé un Pigeon métis qui avait des plumes fibreuses, et les pennes des ailes et de la queue si courtes et imparfaites qu’il ne pouvait pas même voler à un pied de hauteur.


Le plumage des Pigeons présente souvent des particularités singulières et héréditaires ; ainsi certains Culbutants (Almond-

  1. Décrit et figuré dans Poultry chronicle, vol. III, 1855, p. 82.