Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
DESCRIPTION DES RACES.

erreur de dessin, mais, dans son ouvrage publié en 1735, Moore dit avoir possédé un Pigeon Runt de Livourne, dont le bec était fort court pour un aussi gros oiseau. Sous d’autres points de vue, le Pigeon de Moore ressemblait à la première sous-race ou Scanderoon, car il avait un long cou arqué, les jambes longues, le bec court, la queue relevée, et peu de peau dénudée sur la tête. Les oiseaux d’Aldrovande et de Moore doivent donc avoir constitué des variétés distinctes, qui paraissent actuellement éteintes en Europe. Sir W. Elliot m’informe qu’il a vu à Madras un Runt à bec court venant du Caire.

Sous-race v. — Murassa de Madras (Pigeon orné). — J’ai reçu de Madras, par Sir W. Elliot, quelques peaux de ces animaux si magnifiquement diaprés. Ils sont plutôt un peu plus grands que les plus grands Bizets, avec des becs plus longs et plus massifs. La peau des narines est développée et légèrement caronculeuse, l’œil est un peu bordé de peau nue ; les pieds sont grands. Cette race est intermédiaire entre le Bizet et une variété inférieure de Messager ou de Runt.

Nous voyons par ces descriptions que, pour les pigeons de cette troisième race comme pour les Messagers, nous avons une gradation insensible du Bizet (le Tronfo formant une branche distincte), aux pigeons gros et massifs de notre troisième race. Mais d’après la série des affinités et bien des points de ressemblance entre les Runts et les Messagers, je suis porté à croire que ces deux races ne descendent pas du Bizet suivant deux lignes indépendantes, mais bien de quelque parent commun, comme l’indique le tableau, qui aurait déjà acquis un bec modérément long, portant sur les narines un peu de peau turgescente, et une trace de peau légèrement caronculeuse autour des yeux.

Race IV. — Barbes (Pigeons polonais ; Indische Tauben).
Bec court, large, profond ; peau nue autour des yeux, large et caronculée ; peau des narines légèrement turgescente.

Trompé par la brièveté extraordinaire et par la forme du bec, je n’avais pas d’abord aperçu l’étroite affinité qui existe entre cette race et celle des Messagers, affinité qui m’a été signalée par M. Brent. Lorsque ensuite j’étudiai le Messager de Bassorah, je vis qu’il ne fallait que peu de modifications pour le transformer en Barbe. Cette affinité entre les Messagers et les Barbes est confirmée par une différence analogue qui se remarque entre les Runts à bec court et ceux à bec long, et encore plus par le fait que pendant les premières vingt-quatre heures qui suivent leur éclosion, les jeunes Barbes et les Dragons se ressemblent beaucoup plus que ne le font les Pigeonneaux de toutes les autres races également distinctes.

À ce jeune âge, la longueur du bec, la turgescence de la peau qui recouvre les narines, l’ouverture du bec et la grandeur des pieds, sont les mêmes dans les deux, bien que toutes ces parties deviennent ultérieurement fort différentes. L’embryologie (si on ose toutefois appliquer ce terme à la comparaison d’animaux très-jeunes), peut donc être utilisée pour la