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LAPINS DOMESTIQUES.

bien des années, il y a des lapins redevenus sauvages dans les îles Falkland ; ils sont abondants dans certains endroits, mais ne s’étendent pas beaucoup. La plupart sont de la couleur grise ordinaire ; quelques-uns, d’après l’amiral Sulivan, sont de la couleur du lièvre, beaucoup sont noirs et ont souvent sur la face des marques symétriques blanches. C’est de là que M. Lesson a décrit la variété noire, comme une espèce distincte, sous le nom de L. magellanicus, erreur que j’ai déjà relevée ailleurs[1]. Les pêcheurs de phoques ont récemment approvisionné de lapins quelques petits îlots extérieurs du groupe des îles Falkland, et l’amiral Sulivan m’apprend que sur l’un d’eux, Pebble-Islet, les lapins sont en grande partie de la couleur du lièvre, tandis que sur un autre, Rabbit-Islet, la plupart sont d’une couleur bleuâtre qu’on ne voit nulle part ailleurs. On ignore quelle était la couleur des lapins qu’on a autrefois lâchés dans ces petites îles.

Dans l’île de Porto-Santo, près de Madère, il y a des lapins redevenus sauvages, qui méritent quelques détails. En 1418 ou 1419, Gonzalès Zarco[2] ayant eu à bord une lapine qui avait fait une portée pendant le voyage, les lâcha tous, mère et petits, dans cette île. Ces animaux s’accrurent si rapidement, et devinrent si incommodants, qu’on dut, à cause d’eux, abandonner de fait l’établissement. Cada Mosto, trente-sept ans plus tard, les décrit comme innombrables, ce qui ne doit pas étonner, car l’île n’était habitée par aucune bête de proie ni aucun animal terrestre. Nous ne connaissons pas les caractères de la lapine-mère, mais nous avons toute raison de croire que c’était la forme domestique ordinaire, car dans la péninsule espagnole, d’où Zarco était parti, l’espèce commune du lapin sauvage a abondé dès les temps historiques les plus reculés. Les lapins ayant d’ailleurs été embarqués pour la nourriture du bord, il n’y a aucune probabilité qu’ils aient dû appartenir à une race particulière. Le fait de la mise bas pendant le voyage montre que c’était une forme domestiquée. M. Wollaston m’a, sur ma demande, rapporté deux de

  1. Darwin, Journal of Researches, p. 193 ; et Zoology of Voyage of the Beagle ; Mammalia, p. 92.
  2. Kerr, Coll, of Voyages, vol. II, p. 177. — Cada Mosto, p. 205. — D’après un ouvrage publié à Lisbonne en 1717, intitulé Historia insulana, et écrit par un jésuite, les lapins auraient été lâchés en 1420. Quelques auteurs croient que l’île fut découverte en 1413.