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MOUTONS.

Nord, (Ovis montana), subit un changement de toison analogue : la laine commence à tomber au premier printemps, laissant à sa place une couche de poils semblables à ceux de l’élan ; ce changement de pelage est tout à fait différent de l’épaississement de la peau et du poil qui a lieu ordinairement en hiver chez presque tous les animaux velus, tels que le cheval, le bœuf, etc., lesquels se dépouillent de leur robe hibernale au commencement du printemps[1].

Une légère modification dans le climat ou la nourriture affecte quelquefois légèrement la toison, ce qui a été souvent observé dans différentes parties de l’Angleterre, et ce que prouve bien la grande douceur des laines importées d’Australie. Mais il faut remarquer, ainsi que Youatt le répète avec insistance, qu’on peut généralement contrebalancer par une sélection attentive cette tendance à la variation. M. Lasterye, après avoir discuté ce sujet, le résume comme suit : « La conservation de la race mérinos dans sa plus grande pureté, au cap de Bonne-Espérance, dans les marécages de la Hollande, et sous le climat rigoureux de la Suède, viennent à l’appui de mon principe invariable, qu’on pourra conserver les moutons à laine fine partout où il existera des hommes industrieux et des éleveurs intelligents. »

Personne, ayant connaissance du sujet, ne peut mettre en doute que la sélection méthodique n’ait apporté de grands changements aux différentes races de moutons. La race des Southdowns, améliorée par Ellman, en est un des plus frappants exemples. La sélection inconsciente ou occasionnelle a également produit lentement des effets considérables, ainsi que nous le verrons dans les chapitres où nous traiterons de la sélection. Le croisement a largement modifié quelques races, cela est incontestable ; mais, comme le dit M. Spooner, « pour produire l’uniformité dans une race croisée, une sélection très-soigneuse et une épuration rigoureuse sont indispensables[2]. »

Dans quelques cas, on a vu paraître subitement de nouvelles races ; ainsi, en 1791, il naquit au Massachusetts un agneau mâle avec les jambes courtes et tordues, et le dos

  1. Audubon et Bachman, Quadrupeds of North-America, 1816, vol. v, p. 365.
  2. Journal of R. Agricult. Soc. of England, vol. xx, p. 2 ; W. C. Spooner, sur les croisements.