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LEURS VARIATIONS.

au sol, climat, pâturage, et au terrain qu’elles broutent ; elles semblent avoir été formées pour lui et par lui[1]. Marshall[2] raconte que dans un troupeau composé de lourds moutons du Lincolnshire et de légers Norfolk, élevés ensemble dans un grand pâturage dont une partie était basse, humide et riche, et l’autre haute et sèche, les animaux se séparaient régulièrement les uns des autres, les gros moutons restant dans la partie basse, et les légers dans l’autre, de sorte que tant qu’il y avait de l’herbe en abondance, les deux races se maintenaient aussi distinctes que des pigeons et des corbeaux. On a, depuis de longues années, apporté de différentes parties du globe beaucoup de moutons au jardin zoologique de Londres, et Youatt, qui les a suivis comme vétérinaire, a remarqué qu’il n’en meurt que peu ou point de la pourriture, mais qu’ils deviennent phthisiques ; pas un d’eux venant d’un climat torride ne passe la deuxième année, et quand ils périssent, leurs poumons sont tuberculeux[3]. Même dans certaines parties de l’Angleterre, il a été reconnu impossible de conserver certaines races de moutons ; ainsi dans une ferme sur les bords de l’Ouse, les moutons Leicester furent si rapidement détruits par la pleurésie[4], que le propriétaire ne put les garder ; les moutons à peau plus grossière n’en étaient aucunement atteints.

On regardait autrefois la durée de la gestation comme un caractère si invariable, qu’une différence supposée entre celle du loup et du chien fut regardée comme le signe certain d’une distinction spécifique entre ces deux formes ; mais nous avons vu que cette durée est moindre chez les races améliorées du porc et dans les grandes races bovines, que chez toutes les autres formes de ces deux animaux. Nous savons maintenant par Nathusius[5], que les moutons mérinos et Southdown, ayant été observés longtemps dans des conditions exactement semblables, offrent dans la durée moyenne de leurs périodes de gestation les différences signalées dans le tableau suivant :

  1. Rural Economy of Norfolk, v. II, p. 136.
  2. Youatt, On Sheep, p. 312. — Sur le même sujet, voir Gardeners Chronicle, 1858, p. 868. — Essais de croisements entre moutons Cheviot et Leicester, Youatt, p. 325.
  3. Youatt, O. C., p. 491.
  4. The Veterinary, v. X, p. 217.
  5. Traduit dans Bull. Soc. imp. d’acclimatation, t. IX, 1862, p. 723.