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BÊTES BOVINES.

l’Afrique. Il y a quelques années, Sir A. Smith me fit part de sa surprise de ce que les bestiaux appartenant à plusieurs tribus de Caffres, fussent si différents quoique habitant des contrées si voisines et si semblables, situées sous la même latitude. M. Anderson[1] a décrit le bétail Damara, Bechuana et Namaqua, et m’apprend que le bétail au nord du lac Ngami est encore différent ; M. Galton dit qu’il en est de même du bétail de Benguela. Le bétail Namaqua ressemble d’assez près au bétail européen, a les cornes fortes et courtes, et de gros sabots. Celui du Damara est assez singulier, il a l’ossature forte, les jambes grêles et les pieds petits et durs ; ses cornes sont extrêmement grandes, et sa queue se termine par une longue touffe de poils qui touche presque à terre. Le bétail Bechuana a les cornes encore plus grandes ; un crâne de cette race qui est à Londres, mesure, d’une extrémité à l’autre des deux cornes, 8 pieds 8 pouces et quart, et 13 pieds 5 pouces en les mesurant suivant leur courbure. M. Anderson me dit dans sa lettre que sans vouloir entrer dans la description des différences qui existent entre les races appartenant aux nombreuses sous-tribus, elles n’en sont pas moins réelles, et très-facilement distinguées par les indigènes.

Nous pouvons conclure que, outre la descendance d’espèces distinctes, bien des races bovines doivent leur origine à la variation, par ce que nous voyons dans l’Amérique du Sud, où le genre Bos n’était pas indigène, et où le bétail, actuellement si abondant, descend de quelques individus importés d’Espagne et de Portugal. En Colombie, Roulin décrit deux races particulières[2] ; les pelones, qui ont un poil très-fin et rare, et les calongos, qui sont absolument nus. D’après Castelnau, il y a au Brésil deux races, l’une semblable au bétail européen, l’autre différente pourvue de cornes remarquables. Au Paraguay, Azara en décrit une qui a certainement pris naissance en Amérique, où elle est appelée chivos, à cause de ses cornes verticales, étroites, coniques et très-larges à la base. Il en décrit encore une à Corrientes, race naine à membres courts et corps plus grand qu’à l’ordinaire. Le Paraguay a

  1. Travels in South-Africa, p. 317, 336.
  2. Mém. d. Sav. étrang. vi, 1835, p. 333. — Pour le Brésil, voir Comptes rendus, juin 1846. — Azara, O. C., ii, p. 359, 361.