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EFFET DES GOUTTES DE PLUIE.

saient pour faire infléchir les tentacules ; car il leur faut beaucoup de temps pour reprendre leur position normale, et il leur est impossible de saisir une proie jusqu’à ce qu’ils se soient redressés. D’autre part, une sensibilité extrême pour une pression, quelque légère qu’elle soit, rend les plus grands services à la plante ; car, ainsi que nous l’avons vu, si les pattes fines d’un insecte très-petit pressent légèrement deux ou trois glandes au moment où il se débat, les tentacules portant ces glandes s’infléchissent et portent l’insecte vers le centre de la feuille ; le mouvement se communique au bout de quelques instants à tous les tentacules de la circonférence, qui viennent à leur tour embrasser la proie commune. Néanmoins, les mouvements de la plante ne sont pas parfaitement adaptés à ses besoins ; car si un morceau de mousse desséchée, si une parcelle d’une feuille ou d’un autre objet est porté par le vent au centre de la feuille, comme cela arrive souvent, les tentacules s’infléchissent inutilement pour le saisir. Il est vrai qu’ils reconnaissent bientôt leur erreur et relâchent ces objets, qui ne leur fournissent aucun aliment.

Il est aussi un fait remarquable, c’est que les gouttes d’eau, tombant d’en haut sous forme de pluie naturelle ou artificielle, ne provoquent pas de mouvement dans les tentacules ; cependant, les gouttes d’eau doivent frapper les glandes avec une force considérable, surtout quand une pluie abondante a enlevé toute la sécrétion ; or, ceci arrive souvent, bien que la sécrétion soit si visqueuse, qu’il est difficile de l’enlever en agitant les feuilles dans l’eau. Si les gouttes d’eau sont petites, elles adhèrent à la sécrétion, dont le poids doit être ainsi beaucoup plus augmenté, comme nous l’avons déjà fait remarquer, que dans le cas où on place sur elles des morceaux extrêmement petits de matières solides ; cependant les gouttes d’eau ne provoquent jamais l’inflexion des tentacules. Il est évident que c’eût été un grand malheur pour la plante si, comme nous