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DIONÆA MUSCIPULA.



    chaque valve, sont les agents principaux du mouvement de ces valves. Leur partie supérieure présente la forme d’un long cône effilé, dont les cellules, très-allongées, ont une consistance rigide ; entre ce cône et la base se trouve une partie plus transparente, formée de deux grandes cellules arquées et plissées, adossées l’une à l’autre et parallèles aux nervures secondaires. M. C. de Candolle appelle cette partie l’articulation. Au-dessous se trouve la base même du poil, qui n’est guère plus longue que l’articulation et se compose de cellules dont les externes sont la continuation de celles de l’épiderme du limbe, et forment une couche d’épaisseur égale à celle de l’épiderme. En résumé, le cône rigide peut osciller sur son pivot ; ce mouvement est plus libre dans le sens transversal. Ces oscillations ont pour effet d’ébranler directement le tissu intérieur de la base du poil, et, par suite, le parenchyme foliaire sous-épidermique dont il n’est qu’un prolongement. Étudiant le développement de ces organes, M. de Candolle constate que les poils excitables sont d’une nature beaucoup plus complexe que les glandes ou les poils étoiles. Ils rentrent dans la catégorie de ce que les auteurs modernes appellent les émergences (Sachs, Traité de botanique, p. 188), et on peut, jusqu’à un certain point, les comparer aux appendices marginaux, avec lesquels ils semblent alterner. À partir d’un certain âge, les feuilles du Dionæa deviennent insensibles : on constate alors que les cellules de leur parenchyme supérieur ont acquis les mêmes dimensions que celles de leur parenchyme inférieur. Mais quand les cellules des couches sont de longueur et de largeur inégales sur les deux faces, la turgence du parenchyme de la face supérieure diminuant ou cessant complètement, la turgence du parenchyme de la face inférieure détermine une tension qui a pour effet de courber et de rapprocher les deux valves. Les appendices des bords de la feuille ne se rabattent et ne s’entre-croisent que postérieurement au rapprochement des valves, parce que ces appendices forment un mériphylle distinct du corps principal de la feuille. L’épiderme des deux surfaces joue un rôle complètement passif.
    Les poils irritables étant un prolongement du parenchyme supérieur de chaque valve, leur ébranlement agit directement sur ce parenchyme, et il est nécessaire de blesser l’épiderme jusqu’à une assez grande profondeur et de lui faire absorber des réactifs chimiques pour amener la fermeture des valves sans agir sur les poils excitables. Ces explications ne contredisent en rien celles de M. Darwin, mais M. de Candolle est parvenu à provoquer le mouvement en projetant des gouttes d’eau, de manière à ce qu’elles atteignissent le poil dans une direction latérale, et il attribue plutôt le mouvement à la diminution de la turgence du parenchyme de la face supérieure qu’à la contraction du parenchyme de la face supérieure, comme le veut M. Darwin. L’auteur pense que le parenchyme inférieur joue le rôle passif d’un ressort qui, n’étant plus tendu, reprend sa position naturelle. L’eau bouillante qui amène l’accroissement de divergence des valves s’explique, selon lui, parce que la face inférieure, plus impressionnée, cède alors à la force expansive du parenchyme supérieur.

    Ch. M.