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REDRESSEMENT DES FEUILLES.

ait été ou non enfermé entre les lobes[1]. Nous avons vu par l’exemple de la feuille inerte, dont un seul lobe s’était fermé, qu’un lobe seul peut se redresser de lui-même. Nous avons vu aussi, dans les expériences avec le fromage et l’albumine, que les deux extrémités d’un même lobe peuvent se redresser dans une certaine mesure indépendamment l’un de l’autre. Mais, dans tous les cas ordinaires, les deux lobes se rouvrent en même temps. Les filaments sensitifs ne jouent aucun rôle dans ce redressement ; pour m’en assurer, je pris trois feuilles et je coupai au ras de la base les trois filaments d’un lobe ; les trois feuilles ainsi traitées se redressèrent, la première jusqu’à un certain point en vingt-quatre heures, la seconde jusqu’au même point en quarante-huit heures, et la troisième, qui avait été précédemment blessée, au bout du sixième jour seulement. Après leur redressement, ces feuilles se refermèrent rapidement quand j’irritai les filaments qui se trouvaient sur l’un des lobes ; je coupai alors ceux-ci sur l’une des feuilles, de façon à ce qu’elle ne portât plus de filaments. Malgré la perte de tous ses filaments, cette feuille mutilée se redressa au bout de deux jours tout comme à l’ordinaire. Quand on a excité les filaments en les plongeant dans une solution de sucre, les lobes ne se redressent pas aussi vite que si l’on s’est contenté d’opérer un attouchement sur les filaments ; je pense que cela provient de ce que les filaments ont été fortement affectés par l’exosmose, de telle sorte qu’ils con-

  1. Nuttall, dans son Gen. american plants, p. 277 (note), dit que quand il recueillait cette plante dans son pays natal, « il a eu l’occasion d’observer qu’une feuille détachée fait de grands efforts pour s’exposer à l’influence du soleil ; ces efforts consistent dans un mouvement ondulatoire des poils marginaux, accompagné par l’ouverture partielle et la fermeture subséquente des lobes, et se terminent enfin par un redressement complet et la destruction de la sensibilité. » C’est le professeur Oliver qui a bien voulu m’indiquer cette note, mais je dois avouer que je ne comprends pas bien ce que l’auteur veut dire.