Page:Darwin (trad. Barbier) — Les plantes insectivores, 1877.pdf/352

Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE XIII.

dionæa muscipula.

Structure des feuilles. — Sensibilité des filaments. — Mouvement rapide des lobes causé par l’irritation des filaments. — Les glandes, leur faculté de sécrétion. — Mouvements lents causés par l’absorption de matières animales. — Preuves de l’absorption tirées de l’agrégation dans les glandes. — Puissance digestive de la sécrétion. — Action du chloroforme, de l’éther et de l’acide cyanhydrique. — Mode de capture des insectes. — Utilité des poils marginaux. — Nature des insectes capturés. — Transmission de l’impulsion motrice et mécanisme des mouvements. — Redressement des lobes.


Cette plante, que l’on appelle ordinairement la trappe de Vénus à cause de la rapidité et de la force de ses mouvements, est une des plus étonnantes qui soit au monde[1] :

  1. Je crois devoir donner ici l’historique de la découverte des propriétés insectivores du Dionæa muscipula. Je traduis le Résumé publié par M. J.-D. Hooker, en 1874, dans son discours inaugural à l’Association britannique, réunie à Belfast, en le complétant par quelques additions.
    En 1765, Ellis, naturaliste bien connu en Angleterre, écrivait à Linnée : « Notre excellent ami M. Peter Collinson m’a envoyé un échantillon sec d’une plante curieuse qu’il a reçue de M. John Bartram de Philadelphie, botaniste du dernier roi. » (A botanical description of the Dionæa muscipula in a letter to Sir Charles Linnæus, p. 38.) Et en 1768, il lui adressait un dessin de cette plante, qu’il avait nommée Dionæa muscipula. Ayant reçu des pieds vivants d’Amérique, Ellis vit la plante fleurir dans sa chambre. Voici la relation qu’il adressait au grand naturaliste suédois qui, émerveillé de son récit, appelait la Dionæa un miraculum naturæ (Smith, Correspondance de Linnée, t. I, p. 38). « La plante dont cette lettre contient une figure avec des échantillons des feuilles et des fleurs montre que la nature semble l’avoir douée d’un mode de nutrition spécial, car le limbe de la feuille offre une articulation médiane qui lui permet de saisir une proie ; le dard qui perce le malheureux insecte se trouve au milieu. De petites glandes rouges couvrent sa surface et sécrètent peut-être un liquide sucré qui attire le pauvre animal. À peine a-t-il goûté la perfide liqueur que les deux lobes, garnis de deux rangs de poils, se rapprochent et l’écrasent. S’il fait des efforts pour s’échapper, trois épines droites saillantes au milieu de chaque lobe le transpercent et mettent fin à ses convulsions. Les lobes ne s’écartent pas tant que le cadavre de l’animal gît entre eux. Il