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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

en jetant les yeux sur la colonne de droite du tableau ci-dessus, que la plupart des feuilles plongées dans la solution et irritées ensuite avec le pinceau, s’infléchissent beaucoup plus rapidement. En outre, les mouvements des tentacules chez quelques-unes de ces feuilles étaient si rapides qu’on pouvait le suivre en se servant d’une loupe très-faible.

Il est bon de relater deux ou trois autres expériences. Une vieille feuille, très-grande, qui était restée plongée pendant dix minutes dans la solution de camphre, ne semblait pas disposée à s’infléchir de longtemps ; je passai donc le pinceau sur elle, et, au bout de deux minutes, les tentacules se mettaient en mouvement et étaient totalement infléchis au bout de trois minutes. Une autre feuille, après une immersion de quinze minutes, ne présentait aucune trace d’inflexion ; je passai le pinceau sur elle, et, au bout de quatre minutes, les tentacules étaient considérablement infléchis. Après une immersion de dix-sept minutes, une troisième feuille ne présentait non plus aucune trace d’inflexion ; je passai le pinceau sur elle, mais au bout d’une heure, les tentacules n’avaient pas encore bougé ; c’était donc là une exception. Je passai de nouveau le pinceau sur cette feuille, et cette fois, neuf minutes après, quelques tentacules s’infléchirent ; l’exception n’était donc pas absolue.

On peut conclure de ces expériences qu’une petite dose de camphre en solution constitue pour le Drosera un stimulant énergique. Elle excite non-seulement l’inflexion des tentacules, mais elle semble aussi rendre les glandes sensibles à un attouchement qui, par lui-même, ne provoque aucun mouvement. Il se peut qu’une légère irritation mécanique, qui n’est pas suffisante en elle-même pour provoquer l’inflexion, donne cependant à la feuille une légère tendance au mouvement et que cette irritation vienne ainsi s’ajouter à l’action du camphre. Cette dernière hypothèse m’aurait paru la plus probable s’il n’avait été démontré par M. Vogel que le camphre, sous d’autres rapports, constitue un stimulant pour diverses plantes et pour diverses graines.

J’exposai 2 plants, portant chacun 4 ou 5 feuilles, et dont les racines reposaient dans une soucoupe pleine d’eau, à la vapeur de quelques morceaux de camphre, gros environ comme une noisette, en plaçant le tout sous une cloche ayant une capacité de 10 onces fluides. Au bout de dix heures, aucune inflexion ne s’était produite, mais les glandes semblaient émettre des sécrétions plus abondantes. Les feuilles étaient narcotisées, car je plaçai sur 2 d’entre elles des petits morceaux de viande, et, au bout de trois heures quinze minutes, aucune inflexion ne s’était produite ; au bout même de treize heures