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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

solution, les tentacules commencèrent à se redresser et le lendemain matin ce redressement avait fait quelques progrès. Le surlendemain, c’est-à-dire le quatrième jour après leur immersion dans la solution, les tentacules étaient considérablement, mais non pas complètement redressés. J’examinai alors le contenu des tentacules : les masses agrégées de protoplasma s’étaient presque complètement dissoutes, et les cellules étaient remplies d’un liquide homogène, à l’exception çà et là d’une petite masse globulaire. Nous voyons donc que le protoplasma n’avait été en aucune façon attaqué par le poison. Comme les glandes étaient devenues si rapidement blanches, il me vint à la pensée que leur tissu avait pu se modifier de façon à empêcher le poison de passer dans les cellules situées au-dessous d’elles, et qu’en conséquence le protoplasma de ces cellules n’avait pu être attaqué par le poison. Pour m’en assurer je plongeai une autre feuille qui avait séjourné pendant quarante-huit heures dans la solution de poison et ensuite vingt-quatre heures dans l’eau, dans une faible quantité d’une solution contenant 1 partie de carbonate d’ammoniaque pour 218 parties d’eau : au bout de trente minutes, le protoplasma des cellules situées au-dessous des glandes prit une teinte plus foncée et au bout de vingt-quatre heures, les tentacules étaient remplis jusqu’à la base de masses sphériques de protoplasma de couleur foncée. Il résulte de cette expérience que les glandes n’avaient pas perdu leurs facultés d’absorption, tout au moins en ce qui concerne le carbonate d’ammoniaque.

Ces divers faits prouvent que le poison du cobra, bien que terrible pour les animaux, n’agit pas comme poison sur le Drosera : cependant ce poison provoque une inflexion rapide et considérable des tentacules, et fait disparaître bientôt la couleur des glandes. Il semble même agir comme un stimulant sur le protoplasma, car avec l’expérience considérable que j’ai acquise sur les mouvements de cette substance dans le Drosera, je ne me rappelle cependant pas l’avoir vu dans un état aussi actif sous l’influence d’une autre matière quelle qu’elle soit. J’étais, par conséquent, très-désireux de savoir quelle est l’action de ce poison sur le protoplasma des animaux. Le docteur Fayrer fut assez bon pour faire, à ma demande, quelques expériences qu’il a publiées depuis[1]. Il plongea dans une solution contenant 0,03 grammes de poison de cobra pour 4.6 centimètres cubes d’eau, l’épithélium ciliaire de la bouche d’une grenouille : en même temps, il en plongeait d’autres dans l’eau pure pour avoir un terme de comparaison. Les mouvements des cils plongés dans la solution

  1. Proceedings of Royal society, 18 février 1875.