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EFFETS DES SELS D’AMMONIAQUE.

grain de phosphate pour 5000 onces d’eau, ont été affectées non-seulement incomparablement plus que les feuilles plongées en même temps dans l’eau pure, mais incomparablement plus aussi qu’aucune des cinq feuilles que l’on pourrait choisir dans les 173 sur lesquelles j’ai expérimenté avec de l’eau à différentes époques.

Il n’y a rien d’extraordinaire dans le simple fait qu’une glande absorbe 1/20000000e de grain de phosphate dissous dans plus de deux millions de fois son poids d’eau. Tous les physiologistes admettent que les racines des plantes absorbent les sels d’ammoniaque qui leur sont apportés par les eaux pluviales ; or 14 gallons (63,6 litres) d’eau de pluie contiennent un grain d’ammoniaque[1], par conséquent, un peu plus de la quantité qui se trouve dans la solution la plus faible que j’ai employée. Le fait véritablement extraordinaire, c’est que 1/20000000e de grain de phosphate d’ammoniaque, c’est-à-dire moins de 1/30000000e, si l’on déduit l’eau de cristallisation, absorbé par une glande, provoque chez cette glande des changements tels, qu’elle transmet une impulsion qui se propage dans toute la longueur du tentacule pour arriver jusqu’à la base, ployer cette base et lui faire souvent décrire un angle de plus de 180°.

Quelque étonnant que soit ce résultat, il n’y a pas de raison valable pour que nous le rejetions comme incroyable. Le professeur Donders d’Utrecht m’apprend qu’à la suite d’expériences faites par lui de concert avec le docteur de Ruyter, il en est arrivé à conclure que moins de un millionième de grain de sulfate d’atropine dilué dans une grande quantité d’eau, appliqué directement à l’iris de l’œil d’un chien, paralyse les muscles de cet organe. D’ailleurs, chaque fois que nous percevons une odeur, nous avons la preuve que des parcelles infiniment plus petites

  1. Miller, Elements of Chemistry, part. II, p. 107, 3e  édition, 1864.