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EFFETS DES SELS D’AMMONIAQUE.

s’infléchissent ordinairement, de telle sorte que leurs glandes forment un petit anneau noir sur le disque ; les tentacules extérieurs ne participent pas à ce mouvement. En conséquence, sauf dans quelques cas que nous mentionnerons tout à l’heure, on peut juger si une solution produit un effet quelconque en se contentant d’observer les tentacules extérieurs dans les trois ou quatre heures qui suivent l’immersion.

Résumons actuellement l’état des 173 feuilles après une immersion de trois ou quatre heures dans l’eau pure. Presque tous les tentacules d’une feuille s’étaient infléchis ; presque tous les tentacules de 3 feuilles étaient infléchis à moitié ; chez 13 autres, 36,5 tentacules étaient infléchis en moyenne. Ainsi, l’eau avait provoqué une action bien marquée chez 17 feuilles sur 173. Chez 18 feuilles, de 7 à 19 tentacules s’étaient infléchis, c’est-à-dire, en moyenne, 9,3 tentacules par feuille. Chez 44 feuilles, de 1 à 6 tentacules s’étaient infléchis, ordinairement les tentacules à longue tête. En résumé donc, sur 173 feuilles observées avec soin, 79 avaient été affectées par l’eau jusqu’à un certain point, mais en somme très-légèrement, et 94 n’avaient pas été affectées du tout. Ces résultats sont complètement insignifiants, comme nous le verrons bientôt, quand on les compare à ceux produits par des solutions très-faibles de divers sels d’ammoniaque.

Les plantes qui ont vécu pendant quelque temps dans un milieu ayant une température assez élevée, sont beaucoup plus sensibles à l’action de l’eau que celles qui poussent en plein air ou qui n’ont séjourné que peu de temps dans une serre. Ainsi, dans les dix-sept cas rapportés ci-dessus, dans lesquels un nombre considérable des tentacules des feuilles s’étaient infléchis, les plantes avaient passé l’hiver dans une serre très-chaude, et elles portaient, au commencement du printemps, des feuilles remarquablement belles de couleur rouge clair. Si j’avais su alors que le séjour dans une serre augmente la sensibilité des plantes, je n’aurais peut-être pas employé ces feuilles pour mes expériences avec les solutions très-faibles de phosphate d’ammoniaque ; toutefois, mes expériences ne se trouvent pas viciées par ce fait, car j’ai invariablement employé des feuilles cueillies sur la même plante pour une immersion simultanée dans l’eau. Il est arrivé souvent que quelques feuilles d’une même plante et quelques tentacules d’une même feuille sont beaucoup plus sensibles que d’autres ; mais je ne saurais expliquer pourquoi.

Outre les différences que je viens d’indiquer entre les feuilles plongées dans l’eau et celles plongées dans de faibles solutions d’ammoniaque, les tentacules de ces dernières, dans la plupart des cas, s’infléchissent beaucoup plus étroitement. La figure 9 représente