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PUISSANCE DIGESTIVE.

de temps après que les graines avaient été placées sur les feuilles et qu’elles étaient devenues humides, elles sécrétèrent, comme à l’ordinaire, une couche de mucus visqueux ; afin de déterminer si l’inflexion provenait de l’absorption par les glandes de cette substance visqueuse, je plongeai deux graines dans l’eau et j’enlevai le mucus autant que possible. Je les replaçai ensuite sur les feuilles qui, au bout de 3 heures, étaient fortement infléchies et qui, au bout de trois jours, l’étaient complètement. Il est donc évident que ce n’est pas le mucus qui provoque l’inflexion ; il semble, au contraire, dans une certaine mesure, servir à protéger la graine. Sur les six graines, deux germèrent pendant qu’elles étaient encore sur les feuilles, mais les plants transportés dans du sol humide moururent bientôt ; sur les quatre autres graines, une seule germa.

Deux graines de moutarde (Sinapis nigra), deux graines de céleri (Apium graveolens), provenant toutes de la dernière récolte, deux graines bien mouillées de carvi (Carum carvi) et deux grains de blé, n’excitèrent pas plus les feuilles que ne le font d’ordinaire les objets inorganiques. Cinq graines à peine mûres d’un bouton d’or (Ranunculus) et deux graines toutes nouvelles d’Anemone nemorosa ne produisirent guère plus d’effet. D’autre part, quatre graines à peine mûres de Carex sylvalica provoquèrent une forte inflexion sur les feuilles où elles furent placées ; ces feuilles ne commencèrent à se redresser que le troisième jour, l’une d’elles resta même infléchie pendant sept jours.

Il résulte de ces quelques expériences que divers sortes de graines excitent les feuilles à un degré très-différent ; il n’est pas parfaitement démontré que cette différence provienne uniquement de la nature de l’enveloppe. L’enlèvement partiel de la couche de mucus sur les graines de cresson hâta l’inflexion des tentacules. Quand les feuilles restent infléchies pendant plusieurs jours sur des graines, il est évident qu’elles absorbent quelques-unes des matières que contiennent ces dernières. La grande proportion des graines de chou, de radis et de cresson qui furent tuées par le séjour sur les feuilles, et le fait que la plus grande partie des plants produits par celles qui germèrent ensuite étaient très-maladifs, prouve que la sécrétion pénètre l’enveloppe des graines. Il est vrai que cet effet produit sur les graines et sur les plants peut être dû uniquement à l’acide contenu dans la sécrétion et non pas à une digestion quelconque ; en effet, M. Traherne Moggridge a démontré que les acides très-faibles de la série acétique attaquent fortement les graines. Je n’ai jamais eu l’idée d’observer si les graines sont souvent portées sur le vent par les feuilles visqueuses du Drosera croissant à l’état sauvage ; toutefois, il est probable