Page:Darwin (trad. Barbier) — Les plantes insectivores, 1877.pdf/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
PUISSANCE DIGESTIVE.

complètement. Je répétai la même expérience sur quatre feuilles avec de l’urée préparée expressément par le docteur Moore ; au bout de deux jours aucune inflexion ne s’était produite ; je répétai alors la dose mais sans plus de succès. Je traitai ensuite ces feuilles par des gouttes égales d’une infusion de viande crue ; au bout de 6 heures l’inflexion était considérable et excessive au bout de 24 heures. Toutefois, l’urée que j’employais n’était pas absolument pure, car lorsque je plongeai quatre feuilles dans 2 drachmes (7,1 millil.) de la solution de façon que toutes les glandes au lieu de celles du disque seulement pussent absorber les petites quantités d’impuretés qui pouvaient s’y trouver, il se produisit une inflexion considérable au bout de 24 heures, inflexion certainement plus forte que celle qui aurait suivi une immersion semblable dans l’eau pure. Il n’y a pas lieu d’être surpris que l’urée, qui n’était pas parfaitement blanche, ait contenu une quantité suffisante de matières albumineuses ou de sels d’ammoniaque pour causer l’effet que je viens d’indiquer, car nous verrons, dans le prochain chapitre, quelles doses extraordinairement petites d’ammoniaque suffisent pour provoquer l’inflexion. Nous pouvons donc conclure que l’urée en elle-même n’excite pas le Drosera et qu’elle ne peut lui servir d’aliment ; nous pouvons conclure aussi que la sécrétion ne modifie pas l’urée de façon à la rendre nutritive, car, s’il en avait été ainsi, les feuilles dont le limbe supportait quelques gouttes d’une solution de cette substance, se seraient assurément infléchies. Le docteur Lauder Brunton a fait, à ma demande, quelques expériences dans le laboratoire de l’un des hôpitaux de Londres, et il semble en résulter que le suc gastrique artificiel, c’est-à-dire la pepsine, combinée avec l’acide chlorhydrique, n’a aucune action sur l’urée.

Chitine. — Les téguments chitineux des insectes, capturés naturellement par les feuilles, ne paraissent attaqués en aucune manière. J’ai placé sur quelques feuilles des petits morceaux carrés de l’aile délicate et de l’élytre d’un Staphylimus ; j’examinai avec soin ces morceaux quand les feuilles se furent redressées. Les angles étaient parfaitement nets et les morceaux ne différaient en aucune façon de l’autre aile et de l’autre élytre du même insecte qui étaient restés plongés dans l’eau pendant le même laps de temps. Toutefois, l’élytre avait évidemment dû fournir à la feuille quelques substances nutritives, car les tentacules étaient restés infléchis pendant quatre jours entiers, tandis que les feuilles qui supportaient des morceaux d’ailes s’étaient redressées le second jour. Quiconque a examiné les excréments des animaux qui se nourrissent d’insectes