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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

Drosera aurait une action quelconque sur le ferment du suc gastrique des animaux. J’employai d’abord la pepsine commune que l’on prescrit communément comme médicament, puis ensuite des échantillons beaucoup plus purs que le docteur Moore voulut bien préparer pour moi. Je plaçai sur cinq feuilles une quantité considérable de la pepsine commune ; elles restèrent infléchies pendant cinq jours, et, au bout de ce temps, quatre d’entre elles moururent, par suite probablement d’une stimulation excessive. J’expérimentai alors la pepsine du docteur Moore ; j’en fis une sorte de pâte avec de l’eau et je plaçai sur le limbe de cinq feuilles des morceaux assez petits pour se dissoudre rapidement s’ils eussent été de la viande ou de l’albumine. Les feuilles s’infléchirent promptement, deux commencèrent à se redresser au bout de 20 heures et les trois autres étaient presque complètement redressées au bout de 44 heures. Quelques-unes des glandes qui s’étaient trouvées en contact avec les fragments de pepsine, ou avec la sécrétion acide qui les entourait, étaient devenues singulièrement pâles, tandis que d’autres avaient pris une teinte foncée singulière. Je recueillis avec soin une partie de la sécrétion et je l’examinai avec un fort grossissement ; j’y remarquai un grand nombre de granules absolument semblables à ceux de la pepsine plongée dans l’eau pendant le même laps de temps. Nous pouvons donc conclure, ou tout au moins soupçonner, eu égard aux petites quantités placées sur les feuilles, que le ferment du Drosera n’agit pas sur la pepsine et ne la digère pas, mais qu’il absorbe les substances albumineuses qui se trouvent dans la pepsine, impuretés qui provoquent l’inflexion et qui, en quantité assez considérable, attaquent vivement la feuille. À ma demande, le docteur Lauder Brunton essaya de déterminer si la pepsine combinée avec l’acide chlorhydrique digère la pepsine pure ; autant qu’il a pu en juger il n’en est rien. Par conséquent le suc gastrique paraît, sous ce rapport, agir de la même façon que la sécrétion du Drosera.

Urée. — Il me sembla intéressant de déterminer si cette substance, expulsée par les corps vivants et qui contient tant d’azote, provoquerait l’inflexion des tentacules et serait absorbée par les glandes du Drosera, comme tant d’autres substances animales liquides ou solides. Je fis tomber sur le limbe de quatre feuilles des gouttes ayant 1/2 minime de volume d’une solution contenant 1 partie d’urée pour 437 parties d’eau, chaque goutte contenant par conséquent la quantité que j’emploie ordinairement soit 1/960e de grain ou 0,0674 de millig., mais cette quantité affecta à peine les feuilles. Je plaçai alors sur elles des petits fragments de viande et elles s’infléchirent bientôt