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PUISSANCE DIGESTIVE.

Mucine. — Cette substance contenant environ 7 % d’azote, je m’attendais à ce qu’elle excitât beaucoup les feuilles et à ce qu’elle fût digérée par la sécrétion ; je me trompais absolument. D’après les traités de chimie, il paraît très-douteux que l’on puisse préparer la mucine à l’état pur. Celle que j’ai employée (préparée par le docteur Moore) était sèche et dure. Je mis sur quatre feuilles des fragments de cette mucine humectée d’eau ; au bout de deux jours je ne pouvais observer qu’une légère trace d’inflexion dans les tentacules entourant immédiatement les fragments. Je mis alors des morceaux de viande sur ces feuilles et toutes quatre s’infléchirent bientôt considérablement. Plongeant ensuite des morceaux de mucine desséchée dans l’eau et les y laissant séjourner pendant deux jours, je plaçai ces petits cubes sur trois feuilles. Au bout de quatre jours les tentacules entourant les bords du disque s’étaient quelque peu infléchis et la sécrétion, réunie sur le disque, était acide, mais les tentacules extérieurs n’avaient pas été affectés. Une feuille commença à se redresser le quatrième jour ; le sixième jour toutes les feuilles avaient repris leur état naturel au repos. Les glandes, qui s’étaient trouvées en contact immédiat avec la mucine, s’étaient un peu noircies. Nous pouvons donc conclure de cette expérience que ces glandes avaient absorbé une petite quantité de quelques impuretés de nature à les exciter modérément. Une expérience du docteur Sanderson prouve que la mucine, que j’avais employée contenait quelques matières solubles ; il la soumit, en effet, à l’action du suc gastrique artificiel et trouva qu’au bout d’une heure une certaine quantité s’était dissoute, mais seulement dans la proportion de 23 % de la quantité de fibrine dissoute pendant le même laps de temps. Les cubes placés sur les feuilles, bien que peut-être un peu plus amollis que ceux plongés dans l’eau pendant un laps de temps égal, conservaient encore des angles parfaitement nets. Nous pouvons donc conclure que la mucine elle-même n’a été ni dissoute, ni digérée. Or, le suc gastrique des animaux vivants ne digère pas non plus cette substance et, selon Schiff[1], c’est une couche de mucine qui protège les parois de l’estomac et qui les empêche d’être corrodés pendant la digestion.

Pepsine. — Je crois à peine utile de détailler mes expériences, car il est presque impossible de préparer de la pepsine exempte de tout autre principe albuminoïde. Toutefois, j’étais curieux de déterminer, autant que possible, si le ferment contenu dans la sécrétion du

  1. Leçons phys. de la Digestion, 1867, t. II, p. 304.